Intervention de Michèle Victory

Séance en hémicycle du mardi 6 octobre 2020 à 15h00
Encadrement de l'image des enfants sur les plateformes en ligne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Être un « influenceur » est devenu pour nos enfants un doux rêve qu'il semble aisé de poursuivre dans cet espace de liberté qu'est l'internet, pour le meilleur et pour le pire. En effet, tourner des vidéos et les diffuser sur internet est aujourd'hui à la portée de tous et présente la plupart du temps un aspect fortement récréatif et ludique. Derrière la caméra, toutefois, se jouent des intérêts divers, parfois inconciliables avec celui de l'enfant, brouillant les frontières entre le travail et le divertissement ou encore entre la vie privée et la vie publique. De ce point de vue, la production de tels contenus a fait bouger les lignes et nous a mis face à notre responsabilité de parents, d'éducateurs, d'hommes et de femmes politiques.

Face à ces enjeux, la présente proposition de loi ne constitue certes pas la panacée mais marque assurément une étape essentielle vers la protection des intérêts des mineurs contre les risques liés aux nouveaux usages d'internet. Elle vient en effet utilement corriger une situation parfaitement injuste, certains enfants ne bénéficiant pas de la protection du droit du travail et se trouvant privés du fruit de leur activité et de revenus parfois impressionnants, vous nous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur. Il est à noter aussi qu'au-delà même du cas des enfants influenceurs, évoqué à l'occasion de ce texte de loi, ce sont tous nos enfants qui multiplient les publications diverses sans avoir toujours conscience de la portée de ces dernières, s'exposant malgré eux à des situations qui peuvent souvent devenir dramatiques et à des risques psychiques que nous ne prenons peut-être pas suffisamment en considération.

C'est pourquoi cette proposition de loi a reçu l'adhésion de l'ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, et je tiens à saluer de nouveau le travail réalisé par M. Studer, qui tend à appliquer à un phénomène nouveau un cadre juridique protecteur qui a déjà fait ses preuves dans le domaine du mannequinat.

Le Sénat a apporté à ce texte des modifications bienvenues. La distinction opérée entre les vidéos professionnelles et semi-professionnelles permet de mieux appréhender le phénomène et d'y appliquer des contraintes proportionnées, allant de la simple obligation de déclaration a posteriori à l'obligation préalable d'autorisation ou d'agrément par l'autorité administrative compétente.

Conformément à notre volonté commune de ne pas entraver par trop l'activité créatrice sur internet, ce texte se veut pédagogique et incitatif : l'évolution rapide de la technologie nous appelle à l'humilité et commande, pour ce texte novateur, le recours à un droit souple, à l'encouragement des pratiques vertueuses plutôt qu'aux vaines injonctions.

La refonte de l'article 4, qui oblige les plateformes à adopter des chartes destinées à lutter contre l'exploitation illégale de l'image des enfants sur internet, va dans ce sens. En commission, ma collègue Sylvie Tolmont avait exprimé le regret que les enfants ne soient pas davantage responsabilisés, à l'instar des autres acteurs visés par ce texte, tels les parents et les plateformes, sur les risques de cette exposition médiatique. Dans cette perspective, nous avions souligné la nécessité de faciliter l'exercice du droit à l'effacement des données à caractère personnel en faisant obligation à ces chartes d'informer les mineurs des modalités de mise en oeuvre de ce droit dans des termes simples et précis. Ce travail de responsabilisation de tous et de toutes doit évidemment impliquer l'éducation nationale.

Nous nous réjouissons que le contenu de ces chartes ait également pu être complété par le Sénat, à l'initiative de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, afin d'assurer l'information et la sensibilisation des mineurs eux-mêmes sur les conséquences de la diffusion de leur image, singulièrement en matière d'atteinte à la vie privée et de risques psychologiques. En effet, la création de contenus vidéos ne suppose plus forcément l'accord des parents, que celui-ci soit explicite ou même implicite. À cet égard, les nouvelles tendances de création de contenus vidéo, telles celles qui sont apparues sur TikTok, doivent nous interpeller en ce qu'elles ne font pas intervenir les parents en tant que producteurs, semblant de fait remettre en cause l'effectivité de la présente proposition de loi. L'évolution extrêmement rapide de ce secteur et sa faculté à trouver sans cesse de nouveaux moyens de contourner les règles ne peuvent être ignorées.

Vous nous avez rappelé, monsieur le président, un principe fort et simple : le travail des enfants est interdit. Au-delà de ce principe, nous sommes heureux que vous ayez pu inscrire à notre ordre du jour ces mesures concrètes. Même si du chemin reste à parcourir, le groupe Socialistes et apparentés votera donc avec conviction en faveur de ce texte.

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