Intervention de Julien Dive

Séance en hémicycle du mardi 6 octobre 2020 à 15h00
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive :

… qui soutiennent ce choix, l'assument : ce n'est pas le mien.

Une économie sans industrie forte, sans agriculture forte, est une économie fragile, sans avenir. Pour autant, ces deux secteurs doivent affronter l'urgence environnementale et s'engager pleinement en ce sens. Opposer l'économie à l'écologie n'a aucun sens en 2020 : la transition vers l'agro-écologie constitue la preuve éclatante qu'elles sont conciliables. La transition, voilà l'essence même de la situation dans laquelle nous sommes. Transformer, muter, convertir ne se réalise pas en un claquement de doigts. L'adaptation nécessite des efforts, un peu de temps ; telle est l'ambition de ce texte.

Ce projet de loi établit l'interdiction des néonicotinoïdes pour toutes les cultures mellifères et le fait que la filière de la betterave à sucre n'aura plus droit à une chance supplémentaire après 2023. Le message est clair : au boulot ! Au boulot pour accélérer la transition vers l'agro-écologie, pour accélérer la conversion au bio, pour fixer à la culture de la betterave un objectif de haute valeur environnementale.

La période dérogatoire ne concernera que la filière de la betterave sucrière, c'est-à-dire trente départements et 1,6 % des champs exploités en France. Il ne s'agit pas d'autoriser de nouveau une substance active controversée dans les plus grandes régions apicoles de France, puisque la culture betteravière y est absente. Il ne s'agit pas des abeilles des territoires concernés, puisque, par définition, elles n'iront pas butiner des cultures non mellifères. En outre, contester ce texte, c'est ne prendre pour cible que l'enrobage des semences, alors que la filière s'est engagée à en réduire la proportion et que la pulvérisation affecte davantage les insectes auxiliaires.

Ce sursis accordé à la filière sucrière doit être pour nous l'occasion de tirer une leçon de ce débat, de remettre en question notre façon de prendre des décisions abruptes. L'interdiction par la loi d'une substance active doit toujours prévoir des délais réalistes afin de trouver des alternatives, d'autres substances acceptables, d'autres techniques culturales, favorisant le bio-contrôle, en vue d'une pérennité économique et écologique. En bref, il faut s'assurer en amont de l'existence d'une alternative viable et, s'il n'y en a pas, accepter de prévoir une période de transition, ainsi que tous les moyens nécessaires. C'est de cette manière que nous arriverons à concilier écologie et économie, que nous mènerons à bien la transition vers l'agro-écologie de toutes les filières agricoles.

L'interdiction unilatérale, sans concertation, sans propositions, ne conduit qu'à des impasses comme celle-ci. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi, qui suscite chez plusieurs d'entre vous, chers collègues, des interrogations légitimes, constitue en réalité une occasion d'être plus exigeant avec la filière. J'en veux pour preuve la création du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en oeuvre d'alternatives : il sera composé de parlementaires, de chercheurs, de représentants des associations de protection de l'environnement, mais aussi des apiculteurs. Hier soir, au cours de nos débats, nous avons voulu les y associer. Ils traversent eux-mêmes une période difficile et le sujet les concerne : leur place était au sein de ce conseil.

Les pollinisateurs sont essentiels à notre biodiversité et à notre souveraineté ; pour autant, ne tombons pas dans la caricature en nous en prenant uniquement aux agriculteurs et en les accusant d'être des tueurs d'abeilles. Les véritables fautifs sont ceux qui n'ont pas eu de vision à long terme, si bien qu'ils ont débouché dans des impasses, opposé des filières entre elles, et pour finir retardé la transition.

Même si la majeure partie du groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte, nous sommes attachés à la liberté du vote individuel, qui nous rappelle que nous ne nous perdons pas dans nos certitudes et que le doute a un rôle à jouer dans toute décision saine. Ce projet de loi n'est pas un blanc-seing, mais une dernière chance pour la filière – dernière chance exigeante. Nous avons trois ans pour trouver une alternative, trois ans pour accompagner cette transition et en finir avec les néonicotinoïdes, trois ans pour préserver les emplois industriels de nos territoires.

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