Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Il y a un mois, alors que nous examinions en première lecture les projets de loi relatifs à la dette sociale et à l'autonomie, le groupe Libertés et territoires n'a pas caché ses doutes, voire ses désaccords, quant au choix du Gouvernement de faire peser sur la sécurité sociale les coûts considérables de l'épidémie de covid-19.

Notre groupe exprime à nouveau son scepticisme à l'égard de ces deux projets de loi, et son incompréhension du mélange qu'ils opèrent entre, d'un côté, des dispositions relatives à la gestion de la dette sociale et, de l'autre, celles concernant la création d'une cinquième branche de sécurité sociale consacrée à l'autonomie : ces deux sujets auraient dû être abordés distinctement.

S'agissant du volet consacré à la reprise de la dette sociale, notre désaccord persiste. Nous craignons vivement que la décision de transférer 136 milliards d'euros de dette à la CADES n'en dénature la raison d'être même. En effet, ce que le Gouvernement propose de transférer n'est pas à proprement parler une dette sociale, mais une dette liée à une crise exogène. Le déficit n'est donc pas seulement la conséquence d'une hausse des dépenses d'assurance maladie : il est le résultat de l'arrêt brutal de notre économie imposé par le confinement et des mesures gouvernementales – certes nécessaires – qui en ont résulté. Selon cette logique, c'est donc bien à l'État de reprendre la dette liée à la crise sanitaire. Cette décision cohérente serait également plus pertinente financièrement, puisque la dette de l'État est gérée à très long terme à un taux avantageux.

Mais notre désaccord le plus marqué porte sur les modalités de reprise du tiers de la dette des hôpitaux. L'État doit en effet tenir sa promesse initiale, en la reprenant lui-même. Les sénateurs ont eu raison de rappeler que cette dette est en très grande partie due à des investissements immobiliers, qui ne sont pas des dépenses sociales.

Encore une fois, ce choix contribue à dénaturer la CADES. Notre crainte à cet égard est alimentée par les informations dont nous avons pu avoir connaissance par voie de presse à propos d'une possible prolongation de la CADES jusqu'en 2042. Nous attendons du Gouvernement qu'il nous précise dès aujourd'hui son intention à ce sujet.

Par ailleurs, le transfert de la dette à la CADES signifie que tous les Français seront amenés à la rembourser en s'acquittant de la CRDS, la contribution au remboursement de la dette sociale, et de la CSG, la contribution sociale généralisée, jusqu'en 2033 au lieu de 2024, alors que l'on aurait pu imaginer une contribution des plus hauts revenus dans un objectif de justice sociale.

Une prolongation de la CRDS pourrait s'envisager si elle permettait de financer une prestation sociale nouvelle, mais ce n'est pas le choix du Gouvernement, qui nous prive de leviers supplémentaires pour financer de façon pérenne et à la hauteur des besoins le risque dépendance et les dispositifs de soutien à l'autonomie.

Je ne m'étendrai pas sur le volet relatif à l'autonomie, car j'ai eu l'occasion de m'exprimer longuement sur ce point en première lecture.

Depuis 1988 et la création de la CSG par Michel Rocard, le financement du soutien à l'autonomie par la solidarité nationale est une question qui a souvent été abordée, mais sans jamais être traitée dans son intégralité.

Avec ces textes, nous aurions pu avancer en la matière et nous entendre. Nous regrettons sincèrement d'être privés d'un examen approfondi des questions de la dépendance et de l'autonomie. Un texte plus large aurait dû voir le jour, ainsi qu'un véritable débat de fond sur le périmètre, la gestion et le financement de cette nouvelle branche, plutôt que d'aborder ces éléments fondamentaux en marge de projets de loi relatifs à la dette sociale.

Malheureusement, au-delà du manque de perspectives quant au financement de la nouvelle branche, les présents projets de loi ne proposent pas de réelle réflexion sur ce qu'est l'autonomie, qui renvoie au libre-arbitre de chacun et au respect de la qualité de citoyen, quels que soient l'âge et l'état de santé ou de handicap. Voilà la réflexion liée à l'éthique qu'il nous fallait mener.

Il convient que la création d'une cinquième branche ne s'appréhende pas uniquement par une compilation de crédits et une nouvelle présentation budgétaire. Sa dimension politique est déterminante, car elle renvoie à la place que notre société réserve aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap, ainsi qu'au regard que nous portons sur elles.

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