Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Rappelons qu'à la suite des attentats commis en janvier 2015, le législateur avait créé, par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes. Ce fichier visait à assujettir ces personnes à des mesures de sûreté qui les obligent à se présenter régulièrement dans les commissariats de police ou les gendarmeries pour que les forces de l'ordre puissent les localiser, suivre l'évolution de leurs activités et s'assurer qu'ils ne présentent pas un risque de récidive trop évident.

La loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, a rendu applicable le dispositif de suivi socio-judiciaire aux personnes condamnées pour infraction terroriste. Il s'agit toutefois d'une peine complémentaire, qui ne peut s'appliquer qu'à des personnes condamnées après juin 2016. Or la plupart des détenus appelés à sortir prochainement n'entrent pas dans cette catégorie. Par ailleurs il fallait des mesures de sûreté pour régler dans l'urgence la question du suivi de ces détenus car les MICAS issues de la loi du 30 octobre 2017 arriveront à échéance à la fin de 2020.

Bref, il y a une difficulté à résoudre. Mais, dans une société démocratique, il convient de traiter tous les sujets, quelle que soit leur nature, en respectant les principes fondamentaux. Or il nous semble que l'instauration d'une peine après la peine va à l'encontre du principe fondamental de non-rétroactivité. J'entends bien la distinction entre peine et mesure de sûreté, mais la rédaction actuelle de certaines mesures montre que cette distinction est assez floue, les dispositions pouvant être considérées comme l'une ou l'autre.

Madame la rapporteure, vos mesures sont transitoires et ne s'appliqueront que jusqu'à ce que le dispositif pénal de suivi socio-judiciaire trouve toute sa place. C'est pourquoi nous profitons de ce véhicule législatif pour proposer des amendements tendant au renforcement du suivi socio-judiciaire, notamment en le rendant presque systématique.

Ce dispositif, qui satisfait aux exigences constitutionnelles de non-rétroactivité du droit pénal, doit voir sa place renforcée. Nous demandons également que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d'étape comportant le nombre de mesures de sûreté prononcées, les modalités retenues, leur efficacité et leur coût. Ce bilan nous permettra d'apprécier la pertinence des dispositifs avant de les compléter.

Les modifications apportées au texte par la commission des lois, comme la suppression du placement sous surveillance électronique mobile, nous ont surpris par rapport à la logique que vous défendez.

Ce texte reste néanmoins dangereux pour les principes fondamentaux du droit, notamment ceux de légalité, de non-rétroactivité de la loi pénale et de non-cumul des poursuites et des peines. Nous avons déposé des amendements visant à l'améliorer mais, restant sceptiques sur le sort qui leur sera réservé, nous choisirons certainement, vous l'aurez compris, de nous abstenir sur ce texte.

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