Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Présentation

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

La proposition de loi que votre assemblée examine aujourd'hui présente un caractère particulièrement sensible, comme Mme la présidente de la commission des lois l'a indiqué. Elle vise à répondre à la problématique des personnes condamnées pour des faits de terrorisme, dont nombre paraissent potentiellement dangereuses alors même que leurs peines arrivent à leur terme.

Je souhaite tout d'abord rappeler quelques données factuelles : 262 personnes sont actuellement détenues en France après avoir été condamnées des chefs d'infraction terroriste. Si le quantum de peine est élevé et si certaines sont condamnées à des peines criminelles de réclusion à perpétuité ou à des peines très lourdes, d'autres purgent des peines correctionnelles de quelques années, le plus souvent d'une durée de sept à dix ans, prononcées pour beaucoup après 2012.

Outre ces détenus condamnés, 182 personnes sont en détention provisoire après une mise en examen pour des faits terroristes. Elles seront jugées dans les mois ou années qui viennent : vous le savez sans doute, quarante-neuf procès terroristes se dérouleront d'ici 2021 au tribunal judiciaire ou à la cour d'appel de Paris, juridictions qui disposent d'une compétence exclusive en la matière.

Parmi les condamnés, 31 seront libérés en 2020, 62 en 2021 et 50 en 2022, après avoir exécuté leur peine. Le Parlement a adopté en 2016 un dispositif qui limite drastiquement les mesures d'aménagement de peine dont peuvent bénéficier les personnes condamnées pour des faits de terrorisme. Les lois du 3 juin puis du 21 juillet 2016 ont en effet supprimé les crédits de réduction de peine pour les terroristes, restreignant ainsi leur accès à la libération conditionnelle. Ces mesures répondaient à la crainte de voir remis en liberté des individus radicalisés et potentiellement dangereux alors que la France affrontait la plus effroyable série d'actions terroristes qui l'ait frappée – comme Mme la présidente de la commission des lois l'a dit à l'instant, ce que nos concitoyens attendent de l'État, c'est avant tout leur protection.

Si ces lois de 2016 répondaient donc à une crainte légitime, elles ont seulement repoussé, voire renforcé, la difficulté. En effet les détenus dont elle ont rendu la sortie de prison impossible à aménager s'apprêtent aujourd'hui à quitter la détention en « sortie sèche », selon l'expression convenue.

Je souhaitais faire ce bref rappel car il résume notre défi : apporter une réponse pénale au terrorisme.

Depuis 1986, la France a choisi un dispositif centralisé qui s'est complexifié et éloigné du droit commun à mesure que la menace terroriste évoluait et frappait son territoire. Cette réponse s'est traduite par la multiplication de mesures dérogatoires propres à l'enquête, dans la phase du jugement ou, comme on vient de le voir, dans l'exécution des peines.

Ce cadre, que j'ai souhaité parachever en vous proposant l'an dernier de créer un parquet autonome spécialisé, le parquet national antiterroriste, a démontré son efficacité. Nous pouvons nous féliciter d'avoir un des dispositifs antiterroristes les plus complets au monde.

Dans son oeuvre normative, le législateur a toujours cherché à articuler la spécificité d'une criminalité complexe, dont la finalité est l'effondrement de notre modèle sociétal, et nos valeurs. C'est en gardant à l'esprit cet impérieux besoin d'équilibre que vous devrez aborder les débats de ce soir.

Un travail important est réalisé dans nos établissements pénitentiaires afin de prévenir la radicalisation des détenus et de freiner tout prosélytisme délétère. La prise en charge de la radicalisation des personnes placées sous main de justice a récemment fait l'objet de plusieurs rapports tant de la représentation nationale que d'autorités administratives indépendantes. Je pense notamment au rapport d'information des députés Éric Diard et Éric Poulliat sur les services publics face à la radicalisation, qui comprend des propositions destinées à renforcer le suivi des personnes radicalisées, …

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.