Intervention de Yaël Braun-Pivet

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYaël Braun-Pivet, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nous éprouvons « plus qu'une inquiétude, une vraie peur », s'agissant « des dizaines de personnes qui vont sortir de prison, qui sont très dangereuses et dont les convictions sont absolues. Elles constituent la menace prioritaire aujourd'hui. » Ces mots sont ceux de Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste. Ce constat est partagé par tous les acteurs concernés. Ils nous disent l'urgence d'agir pour mieux protéger les Français. Avec cette proposition de loi, nous agissons, nous répondons à l'urgence, nous protégeons.

Ma conviction est que, pour être efficace, une loi doit être concrète. Elle doit répondre aux attentes de nos concitoyens et cette réponse doit être intelligible et conforme à notre droit. Le texte que nous allons examiner relève ces quatre défis.

Le texte est en effet concret, tant par son objet que par sa genèse. Des personnes condamnées pour des faits de terrorisme vont sortir de prison. Certaines sont encore très dangereuses. Or nous n'avons pas tous les outils nécessaires pour assurer leur suivi.

Le risque n'est pas théorique. De trop nombreux attentats ont été commis sur notre sol, jusque dans nos prisons, à Osny ou Condé-sur-Sarthe. La question des sortants de prison illustre de façon emblématique l'évolution de la menace, de plus en plus endogène.

Raphaël Gauvain et moi-même avons construit ce texte en partant du terrain, de contacts approfondis avec les professionnels de la lutte anti-terroriste. Il s'appuie sur des travaux de contrôle menés au sein de la délégation parlementaire au renseignement, de la mission de suivi de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme – SILT – et bien sûr, de la commission des lois.

Il est donc logique qu'une démarche analogue ait conduit mon homologue du Sénat, Philippe Bas, à déposer un texte qui poursuit les mêmes objectifs, et que les acteurs concernés soutiennent notre proposition.

Au terme de ce travail, il est apparu que les nombreux instruments préventifs et répressifs existants sont soit inapplicables, soit insuffisants. L'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes n'emporte que des obligations déclaratives. Le suivi socio-judiciaire ne concerne que les faits commis après 2016 ; en outre, il est peu prononcé en matière criminelle. La surveillance judiciaire ne s'applique que pendant la durée du crédit de réduction de peine, des réductions qui ne peuvent être octroyées aux condamnés terroristes. Le dispositif de rétention de sûreté a été élaboré pour des crimes sexuels, et n'a jamais été utilisé dans une affaire terroriste. Les mesures individuelles de contrôle et de surveillance – MICAS – sont limitées dans le temps, alors que, selon le directeur de la direction générale de la sécurité intérieure, le profil de certains détenus terroristes nécessite un suivi au long cours.

Notre législation est donc marquée par un vide juridique indéniable, qu'une surveillance renforcée des personnes concernées par les services de renseignement ne suffit pas à combler.

Nous connaissons les attentes de nos concitoyens, nous qui allons sur le terrain sitôt quitté cet hémicycle. Les Français demandent à l'État de les protéger, et c'est normal : la sécurité est le fondement du contrat social. Si une menace existe, elle doit être prise en compte. S'il existe un vide juridique, il doit être comblé.

Pour ce faire, je vous propose des mesures intelligibles. L'article unique de cette proposition de loi a un objet bien circonscrit : donner à l'autorité judiciaire la possibilité, lorsqu'elle constatera que des personnes condamnées pour terrorisme présentent, à l'issue de leur peine, des signes objectifs de dangerosité, de leur imposer des contraintes précises.

Le texte doit maintenant aboutir. Nous avons tout fait pour. Le Gouvernement, et je l'en remercie, a engagé la procédure accélérée, et le Président de la République a inscrit ce texte à l'ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement.

Quant à la sécurité juridique du texte, nous avons toujours su que nous arpentions une ligne de crête, à la recherche d'un équilibre entre protection de l'ordre public et garantie des droits fondamentaux. Cela justifiait que le Conseil d'État soit consulté par le président de notre assemblée pour confirmer, question essentielle, que le dispositif prévu entrait bien dans la catégorie des mesures de sûreté et non dans celle des peines, et qu'il pouvait, dès lors, être mis en oeuvre également pour des personnes déjà condamnées. Le Conseil d'État a répondu par l'affirmative à cette double question. C'était un préalable indispensable.

En commission, nous avons emprunté le chemin balisé par le Conseil d'État, en reprenant ses préconisations. Le placement sous surveillance électronique a suscité un débat légitime. Nous avons retravaillé le dispositif, pour aboutir à une solution qui me paraît équilibrée et efficace. Nous donnerons au juge la possibilité de le prononcer, tout en préservant une obligation de pointage, si essentielle.

Ainsi rédigées, ces mesures me paraissent conformes aux exigences du Conseil constitutionnel en ce qu'elles sont adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis.

Le combat contre le terrorisme est collectif. Il exige la mobilisation de chacun, magistrats, forces de sécurité, services du renseignement et responsables politiques. Avec cette proposition de loi, notre majorité prend ses responsabilités. J'ai confiance : notre assemblée sera aujourd'hui au rendez-vous de la sécurité des Français.

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