Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Santé au travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

La question de la sécurité au travail s'est posée de manière accrue et nouvelle avec l'apparition de l'épidémie de covid-19. Pendant le confinement, ainsi que depuis le début du processus de déconfinement, il a été nécessaire de définir de nouvelles règles de sécurité et de santé au travail, notamment à travers des guides de bonnes pratiques sectoriels. À l'époque, notre collègue Jeanine Dubié avait d'ailleurs interrogé le Gouvernement sur la place accordée à la médecine du travail dans le nouveau protocole post-confinement. La prévention de la santé des travailleurs, en dehors des crises sanitaires et pendant celles-ci, est au coeur de la mission des services de la médecine du travail.

Or de nombreux acteurs économiques ont regretté le manque d'implication et de réactivité de ceux-ci pendant le confinement. Nombre d'entre eux disent ne pas avoir été suffisamment soutenus et accompagnés par ces services pour améliorer la politique sanitaire de leurs entreprises. Cela conduit à s'interroger sur les moyens et la capacité d'action des services de santé au travail, dans la perspective non seulement d'une maîtrise pérenne de la propagation de l'épidémie, mais aussi d'une éventuelle résurgence de celle-ci.

Devons-nous être surpris de constater de tels dysfonctionnements ? Non. Depuis plusieurs années, de nombreux rapports ont alerté les pouvoirs publics à propos de cette situation. C'est pourquoi nous devons cesser de tergiverser et réellement réformer la santé au travail.

Il nous faut ainsi apporter des réponses concrètes à la pénurie de médecins du travail. La désertification médicale n'épargne pas le monde du travail : avec un médecin pour 4 000 salariés dans le privé, ces professionnels sont presque moitié moins nombreux qu'il y a une quinzaine d'années. Dans l'éducation nationale, on compte seulement un médecin pour 20 000 agents. Des innovations commencent à voir le jour, comme la téléconsultation. Tant mieux, mais cela ne résout pas tout, nous le savons tous. Il serait nécessaire d'engager des réflexions sur la désinsertion professionnelle ou sur une meilleure coordination avec la médecine de ville afin de répondre au faible attrait pour la profession et à la faible efficacité des politiques de prévention et de suivi.

De manière générale, le système est peu lisible, difficile d'accès pour les entreprises de petite taille et insuffisamment tourné vers la prévention. Le dernier rapport en date de l'inspection générale des affaires sociales se montre assez sévère envers les SSTI, notamment en ce qui concerne la qualité du service rendu, et envers la gouvernance, jugée trop complexe. Il nous faut donc agir dans le sens d'un renforcement de la prévention, laquelle doit être accessible à toutes les entreprises quelle que soit leur taille, et cela au service des salariés et dans le cadre d'une gouvernance adaptée.

Certes, des progrès ont été accomplis : nous sommes passés, en soixante-dix ans, de 120 à 34 accidents du travail pour 1 000 salariés. Néanmoins, nous devons faire mieux, et vite. La manutention reste la première cause d'accidents, phénomène largement favorisé par le développement du commerce en ligne et par la croissance du secteur logistique. Un salarié sur dix y connaît un accident du travail avec arrêt.

Les risques psychosociaux et les cancers d'origine professionnelle augmentent eux aussi. Le secteur du bâtiment et travaux publics, le BTP, est fortement touché, ainsi que les services à la personne, qui sont trois fois plus exposés que la moyenne. Aussi devons-nous prêter une attention constante aux nouveaux risques qui surviennent avec les mutations du travail.

Cette indispensable réforme doit être menée sur la base du dialogue social. Les partenaires sociaux sont incontournables, puisque les organisations d'employeurs et de salariés pilotent les SSTI.

Certes, les négociations ne sont pas aisées. En juillet 2019, les partenaires sociaux ont mis fin à leur cycle de réunions sous l'égide de l'État, malheureusement sans avoir abouti à un accord. Les syndicats critiquent notamment la mainmise exercée sur les SSTI par les organisations d'employeurs et sont en désaccord en ce qui concerne leur financement. Néanmoins, les négociations sont essentielles.

Si tout le monde s'accorde à dire qu'une réforme de la santé au travail est indispensable, le groupe Libertés et territoires s'étonne de l'inscription aujourd'hui d'une proposition de résolution sur le sujet. Nous savons qu'une telle réforme est à l'étude depuis un peu plus de deux ans et demi et qu'elle a sans cesse été différée. Or, depuis le 15 juin, les partenaires sociaux ont ouvert une nouvelle négociation. C'est pourquoi, si nous partageons vos constats et votre ambition, nous nous interrogeons sur l'utilité d'une telle résolution, si ce n'est pour exercer une forme de pression sur les partenaires sociaux.

Le groupe LT s'abstiendra donc lors du vote sur la proposition de résolution.

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