Intervention de Pierre Cordier

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 15h00
Subventions aux pme pmi et artisans fragilisés par la crise du covid-19 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Cordier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La crise sanitaire sans précédent que traverse notre pays depuis plusieurs semaines aura des conséquences durables sur des pans entiers de notre société, en particulier sur le tissu économique de proximité. Afin d'atténuer les effets dévastateurs de la chute de l'activité qui s'est produite, et qui va inévitablement aboutir au dépôt de bilan de très nombreux commerçants, artisans, petites et moyennes entreprises, il est urgent de mobiliser les capacités d'intervention de toutes les collectivités publiques.

Or, parce qu'ils ne disposent plus d'une compétence résiduelle en matière économique depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, les départements ne peuvent pas participer pleinement à l'effort national de soutien aux entreprises. La loi NOTRe a en effet confié aux régions la compétence exclusive de définir les aides aux entreprises situées sur leur territoire, et aux communes et à leurs groupements une compétence exclusive dans le domaine des aides à l'immobilier d'entreprise, cantonnant ainsi les départements à des aides sectorielles en complément de l'action des autres collectivités.

Alors qu'ils incarnent, avec les communes, la proximité de l'action publique, les départements voient ainsi leur action de soutien aux entreprises locales se limiter à des mesures comme la commande publique. Ils ont pourtant pris de nombreuses initiatives.

Le conseil départemental des Ardennes, par une délibération du 14 mai dernier, a créé un dispositif de soutien à la relance des très petites entreprises – moins de trois équivalents temps plein – en constituant un fonds de 12 millions d'euros pour accorder des subventions aux entreprises les plus fragilisées par la crise sanitaire. Il s'agissait d'aider les petites structures à reconstituer leurs stocks et à faire face aux dépenses sanitaires engendrées par la reprise de l'activité. Estimant que cela n'entrait pas dans le champ de compétences du département, le préfet des Ardennes a déféré la décision devant le juge administratif.

Pour ne pas être pris en défaut de la même manière, le conseil départemental du Calvados travaille, pour sa part, à la création d'une prestation d'aide sociale dédiée aux travailleurs non salariés modestes plongés dans une situation de fragilité à la suite de l'état d'urgence sanitaire. Il s'appuie pour cela, non pas sur sa compétence résiduelle en matière économique, mais sur sa compétence en matière sociale, qui lui permet, selon le code général des collectivités territoriales, de « mettre en oeuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité ». L'aide ainsi délivrée ne serait pas considérée comme une aide aux entreprises, mais comme une aide à la personne.

D'autres départements, comme la Seine-et-Marne, l'Ain, la Vendée, la Mayenne ou la Meurthe-et-Moselle, ont fait le choix de verser des subventions aux entreprises de manière indirecte en abondant des fonds mis en place par les régions ou les chambres consulaires, c'est-à-dire les chambres de commerce et d'industrie et les chambres des métiers et de l'artisanat.

Ce n'est pas satisfaisant car, de l'aveu des exécutifs départementaux, le procédé exige des dispositifs complexes et longs à mettre en oeuvre, alors qu'il y a urgence. C'est aujourd'hui que les entreprises individuelles, les petits commerçants, les petits artisans ont besoin du soutien des pouvoirs publics. Si les départements ne peuvent pas agir de manière préventive, ils verront leurs dépenses sociales, à commencer par le RSA – revenu de solidarité active – , exploser dans quelques semaines ou dans quelques mois.

Plutôt que de contraindre les départements à rester dans leur couloir social ou à monter des dispositifs juridiques complexes, entendons-les et donnons-leur les moyens d'agir directement. Quand il y a le feu, on mobilise tous les moyens disponibles ; on ne dit pas : « Chacun reste chez soi : l'économie, c'est la région ; le social, c'est le département. »

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