Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 15h00
Annulation des charges des entreprises pendant l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dupont-Aignan :

Cette semaine, l'OCDE a malheureusement confirmé ce que beaucoup d'entrepreneurs et de Français craignaient : la France sera le pays le plus frappé par la crise économique consécutive à l'épidémie de covid-19, avec un recul de 11 % à 14 % du produit intérieur brut. Comment ne pas en tirer rapidement des conséquences ?

Si l'économie française va particulièrement souffrir de cette crise, c'est que nous sommes dépendants de secteurs touchés de plein fouet par la crise mondiale : le tourisme, la restauration, le bâtiment, les services aux personnes et aux entreprises. Même avec la meilleure volonté, et quel que soit le talent des entrepreneurs et de leurs salariés, ces secteurs d'activité ne pourront retrouver les jours de travail perdus ; contrairement à ce qui se passe dans l'industrie, ceux-ci ne peuvent être compensés par des efforts de production ou par un lissage des stocks. Un repas non consommé est perdu, une nuit d'hôtel sans clients est perdue, une journée de chantier arrêté est perdue.

Or le plan de sauvetage de l'économie conçu par le Gouvernement n'est vraiment pas à la hauteur des enjeux. Il est sous-dimensionné et ne nous permettra pas d'éviter la seconde vague du covid-19 : un tsunami économique et social. Des sommes énormes ont été annoncées, faisant croire aux Français et aux acteurs économiques que le Gouvernement avait réellement anticipé la récession. Hélas, quand on compte et quand on étudie les lignes budgétaires, sur les 461 milliards d'euros annoncés jusqu'à présent, seulement 57 milliards correspondent à de réelles dépenses. L'écrasante majorité des sommes annoncées – 327 milliards d'euros – correspondent en réalité à des garanties d'emprunt ; et sur ces 327 milliards, seulement 95 milliards ont été effectivement accordés aux entreprises – quelle différence avec l'Allemagne, quand on compare les montants des prêts accordés. En outre, 76,5 milliards d'euros correspondent à des avances accordées par l'État et destinées à être remboursés à un moment ou à un autre. Il y a pour 32,5 milliards d'euros de reports d'impôts et de cotisations accordés aux entreprises entre mars et juin 2020. Il est évident que ces charges doivent être annulées soit en totalité, comme le proposent nos collègues du groupe Les Républicains, soit au prorata de la perte de chiffre d'affaires pour les entreprises, ce qui, soit dit en passant, permettrait d'économiser l'argent public et de le concentrer sur les entreprises les plus en difficulté et les indépendants qui en ont le plus besoin.

Comment pouvez-vous refuser cette mesure proposée par Les Républicains, une mesure qui est simple, qui est évidente, qui est la seule solution ? Comment pouvez-vous la refuser alors que les commerçants ont déjà pâti l'année dernière des mouvements de grève, alors que les indépendants doivent faire face à une économie numérique qui est en train de bouleverser les actes d'achat par suite du confinement ? Oui, il est absolument vital d'annuler ces charges.

Et je demande au Gouvernement d'aller plus loin sur un autre sujet, à savoir les prêts : vous proposez une garantie qui couvre 90 % du prêt, quand nos collègues allemands ont mis en place une garantie à 100 %. Toutes les banques de ma circonscription me l'ont expliqué : cela limite les engagements aux seules entreprises qui étaient en bonne santé avant le confinement. C'est d'ailleurs ce qui explique que seul le tiers de l'enveloppe prévue a été utilisé. Concevez-vous la différence de situation entre la France et l'Allemagne ? En Allemagne, les prêts jusqu'à 800 000 euros sont garantis à 100 %, et cela avec une facilité d'engagement extraordinaire ; en France, vous avez monté une usine à gaz. L'Allemagne a aussi prévu dès maintenant deux fonds de 100 milliards d'euros chacun pour recapitaliser les entreprises, c'est-à-dire renforcer leurs fonds propres, leur permettant ainsi de survivre et de gagner en compétitivité. Il est urgent que le gouvernement français fasse de même.

D'une manière générale, la comparaison des chiffres est instructive : l'Allemagne va investir dans ses entreprises nationales cinq fois plus que la France ! Moi qui ai toujours critiqué l'euro, je vous le dis : ce qui est à redouter, c'est l'explosion de l'euro. Vous placez en effet la France dans une position absolument ahurissante de faiblesse et de perte de compétitivité au moment même où vous auriez pu accélérer, au moment même où la Banque centrale européenne va être, quoi qu'on en dise et si elle ne veut pas risquer l'explosion immédiate de la zone euro, obligée de monétiser.

Vous aviez la possibilité d'afficher un immense effort d'investissement et de compétitivité en faveur de nos entreprises. Malheureusement, vous adoptez un programme très petit bras, qui va laisser sur le carreau 1 million de chômeurs. Eh bien, prenez garde : à la rentrée, ce sera un sacré choc ! C'est dommage pour notre pays de perdre autant à cause d'une absence de vision.

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