Intervention de Brigitte Kuster

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 15h00
Taux réduit de tva pour l'hébergement touristique et la restauration — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Face à l'ampleur de la catastrophe, cette baisse que nous vous proposons vise des objectifs ambitieux.

Il s'agit d'abord de rendre plus rentable la réouverture des établissements, alors même que la distanciation sociale, dont je rappelais tout à l'heure les effets néfastes, s'impose au plus grand nombre et réduit le nombre de couverts servis.

Il s'agit ensuite de soutenir un tissu de TPE fondamental pour l'économie française, qui aborde la crise déjà fragilisée. Le risque, c'est que les hôteliers-restaurateurs n'aient plus la trésorerie pour payer les salaires : ils devraient alors se séparer de certains salariés, alors même que ce secteur est habituellement l'un des plus dynamiques – plus d'un million d'emplois, de surcroît non délocalisables. Ce sont les jeunes qui en pâtiront le plus, puisque la moyenne d'âge dans le secteur de l'hébergement et de la restauration est d'environ 35 ans.

De surcroît, les performances des entreprises ont été moindres en France que dans les autres pays de l'Union européenne l'an dernier : en 2019, le mouvement des gilets jaunes puis les grèves contre la réforme des retraites ont affecté la fréquentation des établissements touristiques et bien sûr des restaurants. J'ajoute que la clientèle du secteur est à 31 % étrangère, que la fermeture des frontières a bouleversé la donne et que l'activité touristique internationale ne reprendra cet été que de manière réduite. Que de fragilités et d'inconvénients pour un même secteur !

L'Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – vient de le confirmer : avec 590 000 salariés et 120 000 non salariés touchés, le secteur de la restauration traditionnelle – hors restauration rapide – est d'ailleurs le plus touché. Ajoutons que ces métiers n'ont évidemment pas pu avoir recours au télétravail, et ont donc subi la crise de plein fouet. La dernière note de conjoncture de l'INSEE confirme cette situation, en indiquant que la perte d'activité de ce secteur est de 90 %.

La conjoncture difficile, préexistante, et la crise sanitaire rendent donc urgente l'amélioration de la trésorerie des PME et des TPE de l'hôtellerie et de la restauration. Sinon, nous courons au-devant de temps économiques, sociaux et humains très difficiles, voire catastrophiques. Les assurances contre les pertes d'exploitation ne sont pas la solution, puisqu'elles ne couvrent pas les risques épidémiques ; quant aux réponses inédites du Gouvernement, que nous avons d'ailleurs saluées, elles ne seront pas suffisantes pour permettre la survie de nombre d'entreprises.

Le Gouvernement a annoncé le report des échéances de paiement des cotisations sociales et des prélèvements fiscaux des entreprises pour les mois de mars et d'avril ; mais cela concerne l'impôt sur les sociétés, et non la TVA.

Quant à la couverture de l'activité partielle, bien que les services de l'État aient été mobilisés pour servir ce dispositif dans les plus brefs délais, ils ont été submergés par la demande, considérable ; les retards de versement ont été nombreux. Au 2 juin 2020, plus de 1,3 million de demandes d'autorisation préalable d'activité partielle avaient été déposées, concernant plus de 1 million d'entreprises et 13 millions de salariés. Cet engorgement des services a pu retarder la perception par les entreprises du remboursement des salaires versés en l'absence d'activité ; des efforts de trésorerie ont donc dû être consentis par ces mêmes entreprises, toujours les mêmes, acculées, et qui ne pouvaient pas dégager de profits, puisqu'il n'y avait plus d'activité !

S'agissant du dispositif de prêts garantis par l'État – PGE – , il est intéressant, mais il a régulièrement été refusé aux plus petites entreprises, même s'il était garanti à 90 %. Le Gouvernement a souhaité faire en sorte que les canaux de financement demeurent ouverts, par des prêts de trésorerie à court terme. Mais sans trésorerie, les entreprises bénéficiaires auront bien du mal à rembourser les PGE. Encore une fois, je ne remets pas en doute le bien-fondé de ce dispositif ; mais il existe un risque de surendettement de ces sociétés, sur lequel nous appelons votre attention. Les dépôts de bilan seront nombreux.

Enfin, le fonds de solidarité temporaire permet de verser des aides directes, mais son ampleur est souvent trop faible pour le secteur touristique, où les pertes sont énormes. Ces mesures vont dans le bon sens. Mais elles demeurent insuffisantes pour faire face au choc que va subir ce secteur : le fonds de solidarité ne permet pas de compenser les pertes d'exploitation subies par de petits entrepreneurs du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, puisque le montant maximal de l'aide est de 1 500 euros.

C'est trop peu. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que beaucoup a déjà été fait ; de l'aveu de très nombreux professionnels, si nous n'allons pas plus loin, nous n'éviterons pas une aggravation de la crise, et surtout les drames humains qui en découleront.

C'est parce que les dispositifs existants ne sauraient suffire à apporter une réponse à la situation critique dans laquelle se trouve ce secteur que nous proposons de diminuer la TVA de 4,5 points de pourcentage jusqu'à la fin de l'année 2020. C'est l'objet des trois articles de cette proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter devant vous. Je veux ici saluer Émilie Bonnivard, avec qui j'ai beaucoup travaillé pour la préparer, Vincent Rolland et tous les membres du groupe Les Républicains. Il s'agit de permettre aux professionnels de l'hôtellerie et de la restauration de résister à une crise à nulle autre pareille, sans avoir recours à une augmentation des prix. Celle-ci s'avérerait contre-productive, puisque la clientèle aura également vu son pouvoir d'achat affecté par la crise.

Depuis ce matin et jusqu'à tard ce soir, le groupe Les Républicains fait des propositions. Force est de constater que bien qu'elles dessinent un plan de relance économique, aucune d'entre elles n'a retenu l'attention bienveillante du Gouvernement.

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