Intervention de Joachim Son-Forget

Séance en hémicycle du mardi 9 juin 2020 à 9h00
Questions orales sans débat — Production nationale de munitions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoachim Son-Forget :

« Nous savons fabriquer des Rafale, mais nous n'avons pas de fabrication française de poudre militaire pour les petites munitions », avait expliqué, en 2016, M. Jean-Yves Le Drian. Depuis 1999 et l'abandon de la filière de production nationale, la situation n'a pas évolué. En effet, la France est aujourd'hui tragiquement dépendante du reste du monde pour charger une arme.

En juillet 2019, M. Joël Barre, délégué général pour l'armement, a, au cours d'une audition, tiré un trait sur la résurrection d'une filière nationale de production de munitions de petit calibre, pour des motifs économiques. Selon lui, il ne serait pas rentable d'investir dans la souveraineté nationale. En octobre dernier, j'ai interpellé le général Lecointre, chef d'état-major des armées, à ce sujet. Il a confirmé que la France avait renoncé à l'autonomie en matière de munitions de petit calibre et de petit armement, et que la direction générale de l'armement – DGA – avait choisi de se consacrer aux technologies à haute valeur ajoutée – ce n'est pas une charge, j'ai le plus profond respect pour le chef d'état-major des armées.

Deux semaines plus tard, j'alertais encore sur la dépendance française aux munitions étrangères. Un changement de dogme, notamment américain, et tout notre armement serait à refaire. Si la nouvelle mode consistait à se débarrasser de la cartouche 5,56 millimètres OTAN, possibilité débattue depuis longtemps, les coûts seraient faramineux. Or les États-Unis pourraient vouloir créer de nouveaux calibres, ce qui leur est possible grâce à l'importance de leur marché intérieur.

Aussi, l'investissement dans une filière nationale de production me semble des plus stratégiques. M. Barre le voit avec les yeux d'un ingénieur et le pense non rentable, sans avoir conscience des risques déjà présents. Je réaffirme que la valeur ajoutée de cet investissement est immense. La société RUAG Ammotec, située dans ma circonscription, avait envisagé d'implanter une usine d'assemblage de munitions dans l'est de la France, projet auquel la DGA a donné une fin de non-recevoir.

La crise que nous traversons a mis en lumière la nécessité cruciale, d'un point de vue stratégique, d'une production nationale. En effet, « la bonne livraison des munitions peut parfois être remise en cause par les évolutions du contexte international », indiquait un rapport de 2015. L'approvisionnement en masques a montré toute la pertinence de cet avertissement. Si nous entrions demain en guerre, les stocks de munitions seraient vite épuisés. Et ne parlez pas de souveraineté européenne : nos voisins ne nous livreraient pas ! Alors que ferions-nous ? Enverrions-nous nos soldats avec des fusils de chasse ?

Vous savez comme moi que s'agissant des fusils la stratégie est clairement européenne, puisque aucun d'entre eux, à l'exception des fusils à verrou, n'est fourni par un fabriquant français, les filières d'armement et les écoles d'armurerie ayant été démantelées. La situation est urgente : madame la secrétaire d'État, allez-vous changer de stratégie en matière de petit armement et de munitions de petit calibre, après la crise du covid-19 ?

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