Intervention de Annie Chapelier

Séance en hémicycle du mardi 26 mai 2020 à 15h00
Reconnaissance aux soignants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Chapelier :

Les soignants ne se prennent pas pour des héros ; ils soignent, c'est leur métier.

Aujourd'hui, on honore les soignants sacrifiés, les morts au combat. Or, de combat, il n'y en a pas eu davantage que depuis toujours, car tous ces métiers sont plus exposés que la plupart des autres – on s'en rend compte désormais. Depuis 1991, le Groupe d'étude sur le risque d'exposition des soignants aux agents infectieux, le GERES, recense tous les soignants contaminés pendant l'exercice de leur profession. En effet, bien davantage que le reste de la population, ceux-ci sont au quotidien confrontés à des maladies contagieuses telles que la tuberculose, les hépatites ou le SIDA. Le GERES n'a commencé le décompte des soignants morts du covid-19 que le 25 avril dernier. Nous ne savons pas encore combien de personnes seront concernées ; nous ne connaissons pas encore les chiffres.

Néanmoins, nous connaissons d'autres chiffres : 8,6 milliards, soit 10 % de son budget, c'est la somme qui a été retirée à l'hôpital en dix ans ; 60 000, c'est le nombre de lits supprimés entre 2003 et 2015 ; 300 euros, c'est la différence entre le salaire mensuel d'une infirmière française et celui d'une infirmière travaillant ailleurs en Europe ; 30 %, c'est le nombre d'infirmiers qui abandonnent leur métier dans les cinq ans après leur diplôme. Voilà quelques-uns des constats que les soignants mettent en avant en permanence. Leurs appels seront-ils entendus ?

Le Ségur de la santé s'est ouvert hier. Y sont associés des chefs d'établissement, des experts, des directeurs – des hommes principalement, alors que ces professions sont largement féminines. Il n'est nul besoin de vous rappeler, mes chers collègues, les mécanismes qui font que, dès lors qu'une profession est à prédominance féminine, elle est moins représentée, moins considérée, moins protégée et moins écoutée. Ce sont donc ces personnes, dont peu sont des femmes, qui doivent désormais se concerter et proposer des solutions pour relever notre système de santé.

Pendant toute la crise sanitaire, nous avons fait confiance aux soignants. Ils se sont adaptés rapidement à une situation inédite sans qu'une seule lamentation se fasse entendre, sans qu'une seule hésitation se manifeste. Leur expertise et leur connaissance du terrain n'ont jamais fait défaut, pas plus qu'elles n'ont été remises en question. Malgré ce tour de force, les personnels soignants – l'ensemble des personnels soignants – sont, une fois encore, absents des concertations.

Les premiers axes de discussion annoncés par le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ne sont pas de nature à nous rassurer. Non, la numérisation de leur travail n'est pas une priorité pour les soignants ! Si aucun sujet ne doit être tabou, la question du temps de travail ne peut masquer ni les besoins massifs en recrutement ni le poids insupportable des tâches administratives. En outre, pendant la crise, le millefeuille de la gouvernance hospitalière a montré ses limites et la charge qu'il représente. Peut-être conviendrait-il de s'interroger, par exemple, sur l'efficacité des agences régionales de santé.

Ce que les soignants attendent du Parlement, c'est d'être pris au sérieux, c'est que l'on prenne en considération les remarques qu'ils font remonter. Ce que les soignants attendent du Gouvernement, c'est une véritable remise en cause des orientations prises il y a des années et des solutions qui n'ont pas fonctionné.

Le groupe Écologie, démocratie, solidarité votera, bien entendu, la proposition de résolution. Nous saluons cette mise en lumière du travail que les soignants réalisent dans l'ombre et des risques qui pèsent sur leur propre santé, à cause de leur métier. Nous la voterons aussi parce qu'elle indique que « l'engagement de tous les personnels de santé [… ] mérite d'être reconnu à sa juste valeur » et que « la crise sanitaire rappelle l'attention que nous devons porter à notre système de soins, à la valorisation des carrières et à l'attractivité des métiers de la santé ».

Nous le savons, les mesures honorifiques ne suffiront pas. Le Ségur de la santé ne pourra être autre chose qu'un énième plan de communication qu'à la condition que l'on écoute ce qui émane du monde de la santé depuis des années. La meilleure façon d'honorer les soignants, c'est encore de les croire et de les entendre enfin.

Il y a un temps pour tout, un temps pour honorer et un temps pour construire. À la fin de la guerre, nos aînés ont commencé par honorer leurs résistants et leurs morts. Ensuite, parce qu'ils souhaitaient bâtir un avenir meilleur, ils ont créé la sécurité sociale. À notre tour d'être à la hauteur : aujourd'hui, nous honorons les personnels soignants et soutenons les familles des soignants décédés ; demain, s'il vous plaît, répondons à leurs attentes !

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