Intervention de François Jolivet

Séance en hémicycle du mardi 26 mai 2020 à 15h00
Reconnaissance aux soignants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Jolivet :

Le texte que j'ai l'honneur de vous proposer est fédérateur. C'est pourquoi j'associe les députés de tous les bancs à cette initiative qui me dépasse.

Je remercie le président Richard Ferrand et Gilles Le Gendre, président du groupe La République en marche, d'avoir permis l'inscription rapide de la proposition de résolution à notre ordre du jour.

Celle-ci est une incitation, une injonction à l'action adressée par les députés au Gouvernement, notamment dans la perspective du 14 juillet : 111 parlementaires ont d'ailleurs adressé un courrier en ce sens au Président de la République.

Je souhaite associer Philippe Gosselin qui, très tôt, a partagé l'intuition selon laquelle la nation se doit d'être aux côtés des enfants des soignants décédés des suites du covid-19.

Nous ne connaissons pas précisément le nombre des familles concernées par la proposition de résolution. Mais le fait d'avoir été confronté dans ma circonscription, à Châteauroux, au décès à cause du covid-19 d'une aide-soignante, laissant quatre enfants orphelins, puisqu'elle était, de plus, veuve, m'a poussé à l'action.

Cette situation m'a posé un problème de conscience qui est devenu politique, lequel explique ma présence devant vous aujourd'hui.

Si les femmes et les hommes que l'on appelle les soignants doivent obtenir une meilleure prise en compte de leur quotidien – c'est tout l'objet du Ségur de la santé – , ils méritent aussi une reconnaissance symbolique de leur action et une prise en charge de leurs enfants par la mère patrie.

Les applaudis de vingt heures sont aussi souvent des parents. Leur esprit de service et leur engagement pour sauver des vies tout au long de la pandémie sont d'autant plus remarquables qu'ils se manifestent aux dépens de leur famille. Ces sentinelles sanitaires sont exposées à la contagion qui n'épargne personne, pas même celles et ceux qui soignent.

Rien ne doit nous faire oublier les soignants morts au combat sanitaire, ni ceux qui restent. Il ne faut pas ajouter à la douleur du deuil le silence du droit. Dans cette guerre, aucun soldat n'est inconnu.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de créer un statut spécifique de reconnaissance nationale pour les enfants des professionnels de la chaîne de soins décédés des suites du covid-19 ou d'étendre celui de pupille de la Nation. Ce dernier, élaboré dans les circonstances tragiques de la première guerre mondiale, permet de protéger les victimes collatérales que sont les orphelins de guerre.

Ce dispositif a été étendu à plusieurs reprises pour répondre à des situations tout aussi dramatiques aux enfants de personnes victimes d'actes de terrorisme, de fonctionnaires agressés dans le cadre d'une mission de sécurité publique, de personnels participant à des actions de déminage, ou de personnels victimes de piraterie maritime. Les attentats de 2015 et 2016 ont entraîné aussi une hausse du nombre d'enfants adoptés par la nation.

Cette protection matérielle est assurée par l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre dont je salue l'action. Leur mission fait écho à cette citation si actuelle du maréchal Foch : « Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple aussi sans vie. »

Les enfants adoptés par la nation bénéficient jusqu'à 21 ans du soutien matériel et moral de l'État pour leur éducation. Les subventions de l'État complémentaires au dispositif de droit commun permettent aux enfants de grandir et de s'épanouir non seulement à l'école mais aussi pendant leur temps libre et les vacances. Le soutien se traduit également plus tard par des aides financières lors du début de la vie professionnelle, ainsi que par des aides fiscales.

Grandir sans père ou sans mère est une épreuve. C'est la raison pour laquelle la reconnaissance de la nation se justifie. Nous devons protéger les enfants de celles et ceux qui se sont donnés aux malades.

La proposition de résolution ne doit pas rester un voeu pieu mais donner lieu, dans les faits, à des changements pour les familles endeuillées. Je ne doute pas que le Gouvernement, le ministre des solidarités et de la santé, le ministre des armées ou le Premier ministre sauront faire aboutir cette proposition.

La nation a aujourd'hui besoin de nos voix pour faire face à cette épreuve. Saint-Exupéry écrivait dans Les Citadelles : « Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de prévoir mais de le rendre possible. » C'est l'ambition que nous devons collectivement porter au bénéfice des enfants. C'est ce à quoi je vous invite pour eux. C'est ce que l'histoire nous impose. Ces enfants ont besoin de votre soutien. Je sollicite en leur nom votre vote favorable.

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