Intervention de Brigitte Liso

Séance en hémicycle du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Débat sur la pénurie de médicaments en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Liso :

La crise qui frappe notre pays depuis plus de deux mois maintenant a mis à rude épreuve notre système hospitalier et nos personnels soignants ; il a également provoqué des tensions dans l'approvisionnement de certains médicaments. Je veux d'ailleurs ici rendre un hommage appuyé aux victimes de cette épidémie, aux familles éprouvées et à tous ceux qui la combattent.

Cela a été évoqué dans cet hémicycle au mois de mars dernier : notre pays a subi des tensions sur certains produits dans les hôpitaux, et notamment des produits anesthésiques. En cause, d'une part, l'explosion de la consommation mondiale de certains médicaments, pouvant atteindre plus de 2 000 % dans certains services de réanimation, et, d'autre part, bien sûr, le ralentissement brutal des acheminements internationaux. Cet événement planétaire a constitué une réelle menace pour notre santé publique.

Face à l'urgence, le ministre de la santé, en étroite collaboration avec nos agences régionales de santé, a très tôt engagé une réaction logistique massive, par la commande et la gestion au niveau étatique d'un certain nombre de produits indispensables. Notre majorité avait voté, dans le PLFSS pour 2020, des mesures fortes pour renforcer la lutte contre la pénurie, notamment l'obligation de constituer quatre mois de stock.

Ces risques de pénuries ou de tensions ne sont pas nouveaux, comme plusieurs de mes collègues l'ont signalé. Depuis une dizaine d'années, notre pays a subi des ruptures d'approvisionnement de plus en plus fréquentes. C'est un phénomène qui se produit ailleurs en Europe et dans le monde. Dans son rapport d'activité, l'ANSM recensait 44 cas de rupture gérés par ses services en 2008, 173 en 2012. Les chiffres ont ensuite bondi pour atteindre 483 ruptures en 2014. Par ailleurs, en août dernier, une vingtaine de médecins et professeurs hospitaliers se sont emparés de cette question en publiant une tribune dans le Journal du dimanche, pointant la responsabilité des laboratoires dans la gestion des stocks.

Nous savons toutefois que cet enjeu est bien plus complexe et que les solutions seront celles du long terme. Il convient donc, non pas seulement de pointer du doigt, mais de surveiller, de réguler, de réajuster et de légiférer le cas échéant.

En matière de contrôle, le rôle de l'ANSM est primordial, puisqu'elle a entre autres pour fonction de répertorier les ruptures de stock de médicaments à intérêt thérapeutique majeur. Elle mène la lutte contre les acteurs du secteur qui ne respectent pas les règles.

Aujourd'hui, l'heure est à l'action publique : nous devons, collectivement – élus, membres du Gouvernement, secteur privé – , préparer l'après-pandémie en tirant les enseignements de cette crise. Ce problème de pénurie est connu de longue date : Olivier Véran, dès son entrée en fonction en février, a appelé à recréer des filières productives en France et en Europe, indiquant que cela devenait urgent face aux ruptures qui s'accélèrent. Ce souhait a été relayé par le président Emmanuel Macron, qui a appelé à une relocalisation européenne, voire nationale, pour assurer l'indépendance sanitaire de la France et se préparer à de nouvelles crises.

En effet, à la suite d'une vague de délocalisations dans les années 90, entre 60 et 80 % des composants actifs des médicaments sont fabriqués hors d'Europe, principalement en Chine et en Inde.

Une réponse efficace devra donc être nationale et européenne. Une dynamique est d'ores et déjà en marche : des hôpitaux universitaires européens ont appelé à une stratégie différente, une stratégie de collaboration internationale pour la production et la distribution de médicaments essentiels sur tout le territoire européen. C'est un objectif ambitieux, et qui appelle un changement de paradigme : nous ne parlons pas d'un ajustement de production, mais d'une nouvelle politique industrielle européenne, dont la coordination serait finement organisée.

En ce sens, le plan de relance d'un montant de 500 milliards d'euros, annoncé par la chancelière Angela Merkel et le Président Emmanuel Macron, promet de belles perspectives si, dans les faits, les questions de santé sont abordées.

C'est pourquoi le groupe La République en marche appelle de ses voeux un accord des vingt-sept membres permettant d'instaurer une souveraineté sanitaire inédite. Celle-ci devra évidemment respecter les besoins et les réalités économiques de chaque État.

Enfin, au-delà des nouvelles solidarités supranationales, il me paraît indispensable de penser ce phénomène de concert avec les acteurs territoriaux. Nous devons consulter et associer les agences régionales de santé, qui ont un rôle majeur, les laboratoires, les instituts départementaux qui se sont tant mobilisés pendant la crise.

Monsieur le ministre, je ne doute pas que le Gouvernement s'emparera pleinement du sujet. Vous pouvez compter sur la pleine mobilisation de la majorité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.