Intervention de élisabeth Borne

Séance en hémicycle du mardi 19 mai 2020 à 15h00
Débat sur la souveraineté économique écologique et sanitaire à l'épreuve de la crise du covid-19

élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire :

Renforcer notre souveraineté, c'est retrouver confiance en nous-mêmes et la liberté du destin choisi. Cette souveraineté est française, mais aussi et surtout européenne. L'Europe est notre horizon et notre relais de puissance dans un monde aux incertitudes croissantes.

Je vois deux axes d'action prioritaires.

Tout d'abord, à brève échéance, il nous faut évaluer les secteurs stratégiques qui nécessitent un renforcement de notre souveraineté, ce qui passera probablement en partie par la relocalisation de certaines industries sur notre continent. Nous devons réfléchir aux secteurs pour lesquels une production permanente sur notre continent est nécessaire, mais d'autres voies sont également possibles.

Nous devons travailler à l'adaptabilité de nos industries, à des organisations agiles. Nous avons vu que nos entreprises étaient capables d'adapter leurs chaînes de production pour fabriquer du gel hydroalcoolique, des respirateurs, des masques en tissu. Nous devons apprendre à identifier les possibilités de chaque secteur, afin de savoir ce que chacun peut faire en temps de crise.

Cette souveraineté passe aussi par des actions de plus long terme, nous permettant de sortir de la crise du covid-19 plus résilients, plus autonomes et mieux préparés aux crises futures, notamment à la crise climatique. Nous devons nous y préparer en tirant les leçons de celle que nous traversons, en renforçant notre souveraineté et, par exemple, la résilience de l'agriculture.

L'agriculture française possède des atouts que la crise a révélés. Nos concitoyens se sont tournés vers les producteurs de proximité, les circuits courts, les drives à la ferme, le bio. Ces changements de pratiques doivent être encouragés pour soutenir des organisations locales plus résilientes en cas de crise. C'est une chance historique pour accélérer la transformation de la ferme France, pour garantir une alimentation sûre et saine, pour aller vers une agriculture sobre en intrants, ce qui réduirait notre dépendance aux importations d'engrais.

Être plus résilient, c'est aussi développer l'économie circulaire, afin de favoriser la réparation et le réemploi plutôt que la consommation de nouvelles ressources. Cela vaut notamment pour le numérique où la durée de vie des appareils doit être allongée, où le réemploi, le reconditionnement et le recyclage doivent être la règle. À titre d'exemple, je rappelle que 113 millions de téléphones portables dorment dans les tiroirs des Français, ce qui représente plus de 20 milliards d'euros de ressources inutilisées. Le fait de les réparer et de les reconditionner permettrait d'éviter des centaines de millions de tonnes de CO2.

Devant ces constats, mesdames et messieurs les députés, je crois qu'il est nécessaire et possible de réaliser une transformation écologique et de réduire notre empreinte carbone.

Renforcer notre souveraineté dans la durée, cela passe aussi par une véritable politique de l'énergie européenne. Nous devons sortir de la dépendance au pétrole et bâtir l'indépendance réelle des filières d'énergies renouvelables localisées chez nous, en Europe. Nous devons y développer de nouvelles générations de batteries ou de panneaux photovoltaïques, une filière hydrogène forte, les capacités industrielles de ces secteurs et la maîtrise des technologies.

Pour être souverain dans un monde en plein bouleversement, il faut également disposer des compétences pour répondre à nos besoins. Nous devons rendre les métiers désirables et former nos concitoyens aux emplois d'avenir. Le Gouvernement a déjà prévu 15 milliards d'euros d'investissements ciblés sur les publics les plus éloignés de l'emploi.

La transition écologique est porteuse d'emplois qualifiés, notamment dans les énergies renouvelables et l'écoconception. Elle est porteuse d'emplois non délocalisables, insérés dans la vie des territoires. Elle offre des emplois permettant aussi l'insertion des plus fragiles, qu'il s'agisse d'ouvrir un centre de tri ou une ressourcerie. Il faut un grand plan de formation pour préparer les compétences actuelles et futures.

Cette souveraineté doit s'assumer dans la durée car, ne nous mentons pas, l'avenir nous réserve d'autres chocs que nous n'imaginons peut-être pas encore. Je souhaite proposer aux entreprises de conduire des stress tests, des tests de résilience, à partir de différents scénarios permettant d'évaluer nos progrès dans les priorités que je viens de décliner.

Cette souveraineté doit aussi s'assumer dans notre horizon naturel : l'Europe. C'est pourquoi la France et l'Allemagne agissent ensemble pour que la relance soit durable en Europe. Nous continuerons, par exemple, à défendre un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières de l'Union européenne, afin que nos entreprises jouent avec les mêmes règles, et que nous prenions pleinement en compte le coût du carbone.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais vous dire en quelques mots. Cette crise, qui révèle nos vulnérabilités, met aussi nos forces en lumière : une grande agilité, un service public exemplaire, une forte solidarité.

Conscients de ces forces et de ces vulnérabilités, nous devons utiliser la crise pour préparer notre avenir, en ayant la transition écologique comme fil rouge. La crise nous offre la possibilité de vivre mieux, de créer des emplois durables, de construire une société plus résiliente, plus protectrice, plus écologique et plus juste.

Certains voudraient retarder ce destin collectif. Je m'y refuse. Nous pouvons construire un autre futur, respectueux de la planète et du vivant, fait de souveraineté et de solidarité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.