Intervention de Laure de La Raudière

Séance en hémicycle du mardi 19 mai 2020 à 15h00
Débat sur la souveraineté économique écologique et sanitaire à l'épreuve de la crise du covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaure de La Raudière :

… proposé conjointement, de façon historique, par l'Allemagne et la France, et annoncé hier par le Président de la République Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel, doit servir à cela : renforcer l'économie européenne pour nous rendre moins dépendants, dans un esprit non pas défensif ou nationaliste, mais conquérant et offensif.

En cette période de crise sanitaire, il est une dépendance dont nous avons finalement peu parlé : celle des technologies numériques. Et pourtant, plus que jamais auparavant, cette crise nous a confirmé que nos modes de vie en sont profondément dépendants. Depuis deux mois, le recours au télétravail a été multiplié par dix, la part de marché de l'e-commerce, par deux, et le nombre de téléconsultations médicales par cent ; mais, dans le même temps, celui des cyberattaques a été multiplié par quatre. Nous passons en moyenne près de cinq heures par jour à utiliser les outils numériques ; nous ne pouvons donc en aucun cas faire l'impasse sur la nationalité des entreprises qui gèrent nos données et les exploitent.

À l'heure où de plus en plus de Français souhaitent changer leur façon de consommer au profit de produits locaux, ne faudrait-il pas adopter ces mêmes réflexes pour notre utilisation des outils numériques ? Pour les mêmes raisons finalement : pour plus de sécurité, pour assurer un développement économique local et pour éviter des transports et les émissions carbone associés inutiles. Aujourd'hui, 75 % des investissements numériques en logiciels, matériels et services en France – un marché de 70 milliards d'euros – sont réalisés auprès d'entreprises non européennes : en Asie quand il s'agit d'équipements et aux États-Unis principalement quand il s'agit de logiciels et de services. C'est une évidence pour tout le monde aujourd'hui : les États-Unis et la Chine se partagent le marché du numérique et l'exploitation des données des citoyens et des entreprises, ce qui leur donne une longueur d'avance pour développer de nouveaux services dans tous les secteurs économiques et pour assurer à terme, si nous n'y prenons garde, une réelle domination sur toutes les filières. L'idée n'est pas d'imaginer de nouvelles subventions, comme nous l'avons souvent fait jusqu'à présent, mais plutôt de veiller à créer des conditions d'accès à des marchés pour nos entreprises – leur principal besoin pour se développer – afin qu'elles se constituent des références leur permettant de gagner en crédibilité et en visibilité.

C'est pour cela que le marché unique du numérique en Europe est essentiel. Or nous sommes loin de ce marché sans couture souhaitable pour le développement de nos start-up.

Autre enjeu : les achats publics français en numérique, d'un montant de 16 milliards d'euros, qui bénéficient prioritairement à des acteurs non européens et soumis à des lois leur permettant d'effectuer une forme d'espionnage légal. Nous disposons pourtant d'hébergeurs, de navigateurs, de serveurs de courriels, de moteurs de recherche, de solutions de cybersécurité. Quels objectifs seront fixés aux administrations dans leur choix de solutions numériques afin de développer notre souveraineté en la matière ?

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