Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du lundi 18 mai 2020 à 21h30
Débat sur les conséquences de la réforme de l'assurance chômage

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

Sans surprise, cette crise a provoqué une hausse historique et brutale du nombre de chômeurs, dont les conséquences économiques se feront sentir pendant plusieurs mois. Le déconfinement n'inversera hélas pas cette tendance.

Oui, sans doute fallait-il une réforme de l'assurance chômage : nous devions modifier le système afin de réduire la dette du régime d'assurance chômage, revaloriser le travail pour qu'il rémunère davantage que l'inactivité, renforcer les mesures d'accompagnement des demandeurs d'emploi pour appliquer des solutions différenciées et adaptées aux bassins de vie et d'emploi, lutter contre le recours abusif aux contrats courts pour inciter les entreprises à favoriser les emplois de longue durée. Le contexte sanitaire inédit et la récession historique menacent cependant d'affaiblir cet équilibre en durcissant considérablement les conditions d'accès au marché du travail dans les prochains mois.

Je m'inquiète pour les nombreuses victimes collatérales à venir. Je pense tout d'abord aux seniors, que la réforme avait ignorés puisque la question du chômage de longue durée des seniors n'avait pas été abordée. Cette crise aggravera leur employabilité, déjà bien fragile auparavant. Cette population est souvent oubliée et il me semble nécessaire d'étudier des mesures permettant de ne pas creuser les inégalités dues à l'âge, en augmentant par exemple la durée d'indemnisation pour les demandeurs d'emploi âgés de plus de 55 ans, durée qui est actuellement plafonnée à trente-six mois.

Plus généralement, la baisse des capacités productives des entreprises qui ont dû réduire ou interrompre leur production suite au confinement, entraîne des risques non seulement de faillite mais aussi de licenciement, ce qui se traduira de facto par une hausse du chômage. Des centaines de milliers de travailleurs de tous secteurs d'activité dont les contrats devaient débuter ou être renouvelés se trouvent privés d'emploi. Hélas, lorsqu'une crise de la sorte frappe une économie tout entière, les destructions d'emploi se concentrent massivement sur les salariés les moins protégés. La menace de précarisation d'une population déjà affaiblie doit nous inquiéter.

J'en viens à la situation des jeunes. En temps normal, nous mesurons les difficultés d'accès des jeunes diplômés au marché du travail. Aujourd'hui les étudiants qui terminent leur cursus dans un contexte déjà inédit feront sans doute une entrée dans la vie active encore plus chaotique, et trouveront des emplois encore plus précaires, ce qui aura peut-être des incidences durables sur leurs carrières, y compris en termes de rémunération. L'annulation des stages de fin d'études prive les intéressés de toute possibilité de transformer ces stages en emplois permanents grâce à une embauche à l'issue des mois de découverte dans l'entreprise accueillante. Quant aux 700 000 jeunes qui sortent chaque année du système éducatif et qui ne sont ni en études, ni en emploi ni en formation, ils seront forcément affectés.

Nous devons tout faire pour éviter de créer une promotion covid. Seule une politique volontariste le permettra : il faut soutenir massivement les entreprises afin qu'elles maintiennent leur engagement en faveur des jeunes. Vous avez affirmé votre volonté de ne pas les oublier, madame la ministre. Il faudra traduire cet engagement par des mesures claires dans le plan de relance. Aucune génération ne doit être sacrifiée.

J'appelle enfin votre attention sur l'une des mesures que vous avez prises pour protéger les demandeurs d'emploi pendant la crise du covid-19, à savoir le maintien du versement des allocations à tous les demandeurs d'emploi arrivant en fin de droits. Je me félicite naturellement du prolongement de ces droits mais les personnes qui seront encore titulaires de droits au-delà de la période de crise ne sont pas concernées. Elles continuent donc de consommer leurs droits alors qu'elles sont dans l'impossibilité, depuis le confinement, de trouver un travail. Serait-il possible de leur accorder également un bonus de droits correspondant à la période où elles étaient privées de tout accès au marché du travail ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.