Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 7 mai 2020 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Avouez, mes chers collègues, qu'il y a une certaine bizarrerie à discuter ici de la prorogation de l'état d'urgence sanitaire alors que dans le même temps, notre Premier ministre s'exprime dans les médias sur les modalités du déconfinement et annonce même des mesures que nous n'avons pas encore votées, nous laissant l'impression d'avoir un temps de retard et d'être particulièrement inutiles.

Pour que les mesures que nous adopterons, ce soir ou demain, soient acceptées par les Français, il faut, et c'est le maître mot de cette crise sanitaire, de la confiance ! Or cette confiance n'est malheureusement pas au rendez-vous. Selon un sondage Odoxa publié il y a quelques heures, les Français sont presque 60 % à ne pas faire confiance à l'exécutif pour réussir le déconfinement. Plus intéressant, on découvre qu'ils sont en revanche tout à fait prêts à ce que le déconfinement soit adapté à chaque cas. Le cas par cas, c'est la proximité, en un mot le bon sens des Français.

C'est bien ce que vous préconisez quand vous vantez à longueur de discours le couple que forment le maire et le préfet. C'est d'abord au maire en effet qu'il faudrait demander si on peut autoriser de nouveau l'accès aux plages, aux forêts ou aux abords d'un lac, si le bar-restaurant d'une commune dans laquelle aucun cas de Covid-19 n'a été décelé ne pourrait pas reprendre ses activités dès le 11 mai, ou si les écoles peuvent rouvrir et dans quelles conditions. C'est ce que je propose dans mes amendements.

Malheureusement, cette mise en avant du maire et des élus locaux n'est que de façade. J'en ai plusieurs exemples dans ma circonscription, le dernier en date particulièrement choquant. À Béziers, le maire a proposé, en concertation avec le directeur académique, les représentants des directeurs d'établissement, les professeurs et les représentants de parents d'élèves – en plus des gestes barrières, du gel hydroalcoolique, des masques pour tous les personnels, etc. – des masques pour les enfants de plus de six ans au cas où la doctrine du Gouvernement changerait une fois encore sur ce sujet, et même des thermomètres flash pour prendre la température de tous. Comme parents et enseignants continuaient d'être inquiets, le maire de Béziers a proposé à tout le personnel des crèches et des écoles de se faire tester, pour que ceux qui sont contaminés le sachent et que tous les autres puissent retourner travailler sans crainte et sans risque, pour eux et pour les enfants. Cette proposition a été rejetée par l'ARS et le préfet, arguant que le personnel des crèches et des écoles ne serait pas un « public prioritaire ». Franchement, on croit rêver ! Il est vrai que ce n'était pas conforme à la fameuse doctrine officielle. La maire de Paris Anne Hidalgo a prévu les mêmes tests pour les écoles : l'en empêchera-t-on de le faire ? Le maire de Saint-Victoret dans les Bouches-du-Rhône également : a-t-il reçu interdiction de le faire ?

Au nom de votre fameuse doctrine, vous avez, au début du confinement, déconseillé aux maires de faire fabriquer des masques en tissu, prétendant qu'ils étaient inutiles et même, selon le préfet de l'Hérault, « dangereux » : heureusement que l'on ne vous a pas écoutés ! Vous vous entêtez à trouver des excuses pseudo-scientifiques pour cacher vos manques, hier en matière de masques, aujourd'hui de tests !

Décidément, vous ne faites confiance à personne, si ce n'est à votre conseil scientifique et à vos cabinets. Et vous vous étonnez que l'on n'ait pas confiance dans les dispositions de l'article 6 de ce projet de loi, qui met en place le fameux système d'information destiné à lutter contre l'épidémie. Mais comment ne pas s'inquiéter de voir nos données médicales et personnelles stockées et partagées ; le secret médical divulgué pour alimenter une base de données qui pourra être piratée ? De voir que le consentement ne sera pas la règle ?

La confiance est, je le répète, le maître mot d'une sortie de crise et d'un déconfinement réussis. Le Premier ministre ne cesse de le répéter, à l'instant encore en conclusion de sa conférence de presse, expliquant même dans une circulaire aux préfets que « la situation particulière conduit à rechercher systématiquement l'accord des maires » et à préférer chaque fois le dialogue aux voies de droit.

Essayez d'apprendre de vos expériences. La crise des gilets jaunes avait déjà mis en lumière l'impérieuse nécessité de vous rapprocher de nos élus de terrain. Faites en sorte que cette confiance que vous réclamez ne se réduise pas à des mots, des discours, de la rhétorique, de la doctrine mais qu'elle s'incarne au contraire dans chacune de vos décisions prise au plus proche des Français.

Sans cette confiance de nos concitoyens et de nos élus locaux, nous ne sortirons pas de cette crise. Alors montrez-leur que vous la méritez !

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