Intervention de Marie Guévenoux

Séance en hémicycle du jeudi 7 mai 2020 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Guévenoux, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Il y a six semaines, la France était confrontée à la plus grave épidémie de son histoire récente. Afin de répondre aux nécessités de ce contexte exceptionnel, la loi du 23 mars 2020 a créé un nouveau régime : l'état d'urgence sanitaire, alors déclaré par le Parlement pour une durée de deux mois. Si la situation s'est heureusement améliorée ces derniers jours, le confinement général de la population ayant permis d'enrayer la propagation du virus et de prévenir une saturation de nos hôpitaux, elle reste préoccupante à bien des égards.

Il nous revient de prendre nos responsabilités et de faire en sorte que les résultats des efforts consentis au long de cinquante jours de confinement ne soient pas gâchés par une seconde vague de l'épidémie. C'est pourquoi le Gouvernement présente, dans des conditions encore une fois dictées par l'urgence, un projet de loi visant à la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et qui en modifie ponctuellement le régime.

La commission des lois a fait hier du bon travail, malgré les délais d'examen très contraints. Le texte adopté par le Sénat constituait indéniablement une amélioration du projet initial, mais certaines dispositions restaient à affiner. Les débats que nous avons eus avant et pendant son examen en commission nous ont notamment permis d'adopter des amendements concernant deux sujets importants : le retour à la normale de la détention provisoire et la responsabilité pénale non intentionnelle.

L'article 1er de ce projet de loi prévoit la prorogation de l'état d'urgence sanitaire. Le secrétaire d'État nous a rappelé pourquoi cette mesure est absolument nécessaire au vu de la situation actuelle, qui va malheureusement perdurer au moins quelques semaines. Cette prorogation était initialement prévue jusqu'au 23 juillet, échéance avancée au 10 juillet par le Sénat. Les deux options me conviennent et je vous propose donc d'agréer celle des sénateurs.

L'article 2 précise les dispositions qui fixent les mesures générales relevant du Premier ministre. Ces ajustements visent à réglementer les déplacements, les transports, l'ouverture des écoles et des magasins. Nous sortons de la logique binaire, fermeture ou autorisation, qui prévaut aujourd'hui : c'est pertinent. Il est normal que le texte n'entre pas dans le détail de ces réglementations. J'ai rappelé hier en commission qu'il faut distinguer le régime de l'état d'urgence sanitaire, que nous allons modifier, et le plan de déconfinement, qui relève de l'action du Gouvernement. La quarantaine et l'isolement seront du ressort de la responsabilité individuelle, sauf dans le cas des voyageurs qui entrent sur le territoire national ou qui se rendent soit en Corse, soit outre-mer ; pour eux, des sanctions demeurent prévues. Les conditions réglementaires de ces mesures relèvent du Premier ministre, les mesures individuelles, du préfet. Le Sénat a beaucoup modifié ces dispositions : nous aurons l'occasion d'y revenir.

La commission a validé l'essentiel des modifications apportées par le Sénat à l'article 6, mais non celle touchant à la durée de mise en oeuvre des systèmes d'information, qui a fait l'objet d'une discussion et qu'il nous reviendra de préciser. Nous avons en revanche apporté des précisions utiles s'agissant de la protection des données d'identification des personnes concernées, notamment en matière de recherche, et de la nature des données de santé pouvant être collectées. Enfin, la commission a adopté le principe de la non-rémunération des professionnels de santé pour cette collecte – principe qu'il faudra sans doute affiner lors de l'examen de l'article – , ainsi que le renforcement des moyens de contrôle du Parlement sur ce dispositif, étant donné les enjeux qu'il pose relativement au respect du droit à la vie privée et à la protection des données personnelles.

Je veux revenir sur le fructueux travail de la commission au sujet de deux initiatives du Sénat en matière pénale. S'agissant de la responsabilité pénale, la rédaction issue du Sénat présentait un certain nombre de difficultés. La commission a adopté deux amendements identiques de Laurence Vichnievsky et Florent Boudié. Résultant d'un travail concerté, ils sont de nature à répondre aux préoccupations exprimées par les décideurs publics et privés. Notre objectif était que le juge tienne compte des conditions exceptionnelles dans lesquelles la décision a été prise au moment d'apprécier la responsabilité du décideur. L'article 121-3 du code pénal est donc complété afin qu'il soit tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l'état des connaissances scientifiques au moment des faits. Il ne s'agit ni d'atténuer la responsabilité, ni d'exonérer quiconque, ce que nos concitoyens ne comprendraient pas. Dans le respect de l'état de droit, nous précisons simplement les circonstances que considère le juge pour apprécier in concreto la responsabilité des personnes concernées.

S'agissant enfin de la détention provisoire, la procédure retenue par le Sénat d'une modification de l'habilitation du Gouvernement à prendre une ordonnance, alors même que cette ordonnance a déjà été régulièrement publiée, paraissait inédite et ses effets incertains. La commission a donc adopté un amendement de Laetitia Avia et du groupe La République en marche qui inscrit dans le corps de l'ordonnance les modalités d'un retour progressif au droit commun de la détention provisoire, dès la reprise de l'activité des juridictions.

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