Intervention de Edouard Philippe

Séance en hémicycle du mardi 5 mai 2020 à 15h00
Questions au gouvernement — Organisation du déconfinement

Edouard Philippe, Premier ministre :

J'ai indiqué – et c'est ce qui se passera – que le classement de chaque département de France en zone verte ou rouge serait fondé sur la synthèse de trois séries de critères, et non de trois critères uniques.

Le premier ensemble de critères mesure la prévalence des cas dans un département donné, laquelle n'est pas aussi simple à mesurer qu'il y paraît. Le premier critère que nous avons utilisé constituait, si j'ose dire, une indication de pression : nous avons observé le nombre de malades du Covid arrivant dans un service d'urgence. Il s'agit là d'un indicateur intéressant mais qui, utilisé seul, pourrait conduire à des effets quelque peu absurdes. Imaginez par exemple que, dans un département, un petit service d'urgence accueille un nombre étonnamment élevé de patients Covid – cela peut arriver. Vous obtiendriez alors un résultat aberrant. Imaginez encore que certains départements, mais pas tous, procèdent, au moment où l'on commence à construire l'indicateur, à un dépistage systématique des personnes les plus exposées au virus, comme le personnel des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – ou des hôpitaux. Cela a pu arriver. Ils pourraient obtenir un résultat qui, là encore, ne correspondrait pas véritablement à la réalité départementale, mais à une photographie effectuée à un instant donné sur la base d'un seul critère.

Pour éviter ces aberrations, nous avons voulu élargir au maximum le critère de prévalence en y incluant le nombre de cas positifs arrivés aux urgences, le nombre de cas remontant du réseau Sentinelles, le nombre d'appels passés au SAMU – bref, une batterie d'indicateurs, synthétisés sur une carte, qui permettent de mesurer la prévalence du virus à un instant donné.

La première carte, qui attribuait en effet au Haut-Rhin et au Bas-Rhin ainsi qu'à la Corse du Sud et à la Haute-Corse des couleurs auxquelles on ne s'attendait pas, a été construite sur la base d'un seul de ces sous-indicateurs. Nous l'avons depuis corrigée en prenant en considération un nombre croissant de critères. Voilà pourquoi les classements ont évolué.

La deuxième batterie d'indicateurs concerne les capacités d'accueil des services de réanimation. Soumis, dans certains territoires, à une pression considérable, ces services ont besoin d'un peu de répit. Il serait inenvisageable d'agir comme si nous pouvions facilement lever les restrictions dans des départements où la pression a été très forte et où la capacité d'accueil des services de réanimation n'a pas été reconstituée. Nous analysons cet indicateur à l'échelle régionale. Pourquoi ne pas le faire à l'échelle départementale ? Nous avons fait ce choix après avoir observé que, face à l'épidémie, c'étaient les capacités d'accueil de l'ensemble des hôpitaux d'une région qui étaient mobilisées pour répondre à une situation de crise dans un département. Vous savez comme moi que, dans le Haut-Rhin, quand les hôpitaux de Mulhouse et de Colmar ont été confrontés à une vague terrible, des transferts massifs ont fort heureusement eu lieu vers Strasbourg ou Nancy, et que c'est l'ensemble du système hospitalier régional – puis, pendant quelques semaines, du système national – qui a permis à l'hôpital de Mulhouse de tenir. Nous apprécions donc la disponibilité des services de réanimation à l'échelle régionale.

La troisième batterie de critères, qui fait pour l'heure l'objet d'assez peu d'explications, est importante. Il s'agit de la capacité opérationnelle, dans chaque département, à remonter les chaînes de contamination et à les casser. Cela implique la disponibilité des tests, qui constitue un facteur matériel extrêmement important, mais aussi – et, en vérité, surtout – la capacité des équipes à mobiliser ceux qui doivent en bénéficier et à tester réellement ceux qui en ont besoin. Pour ce faire, il faut que les brigades – ou les équipes, si le terme est imparfait – qui seront constituées autour des médecins libéraux et des personnels de l'assurance maladie, sous la responsabilité des préfets, soient capables de remonter immédiatement toutes les chaînes de contamination. C'est l'indicateur le plus important pour connaître notre capacité à maîtriser l'épidémie.

La combinaison de ces trois séries de critères de natures différentes nous permet d'évaluer la situation dans chaque département. Voilà pourquoi les cartes parues le premier jour ont pu être modifiées par la suite. En vérité, elles le seront à mesure que nous les publierons chaque jour, en fonction de l'évolution des indicateurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.