Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du vendredi 17 avril 2020 à 9h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

La crise actuelle est en premier lieu environnementale. Le productivisme, la déforestation, la diminution de la biodiversité, l'extinction annoncée des espèces : voici les coupables de l'arrivée chez les humains du virus du Covid-19.

Si ce virus a pu se propager de manière aussi fulgurante, aussi contagieux soit-il, c'est sans conteste à cause de la mondialisation libérale. Sans un libre-échange d'une ampleur aussi démesurée, jamais il n'aurait fait aussi vite le tour de la planète et jamais son arrivée n'aurait été si difficile à anticiper par les États.

Cette catastrophe est aussi évidemment une crise sanitaire, d'une ampleur inédite. Elle résulte directement de longues années de destruction des services publics et de notre souveraineté sanitaire, sacrifiées sur l'autel de l'austérité.

Si je prends le temps de rappeler ces trois volets de la crise, c'est qu'ils ont tous un triste point commun : ils ont le fruit de décisions politiques. J'assume de le dire, ce sont nos dirigeants qui ont créé les conditions permettant à la crise d'empirer. J'assume de le dire, ils ont eu tort de se vanter à tout va de faire des économies, de fermer des lits dans des hôpitaux, de décider de se passer des stocks de masques. Chacun se rend compte maintenant de la dangerosité de leur dogme, en premier lieu nos héros, les soignants qui oeuvrent en première ligne.

On nous promet de tout réinventer, mais j'ai peur qu'avec les mêmes aux commandes, nous ne connaissions qu'un éternel recommencement. Alors que nous faisons face à une crise sans précédent, on nous propose comme d'habitude d'apposer de simples pansements sur une plaie béante.

C'est ce que font les projets de loi qui sont présentés à notre assemblée et, en l'occurrence, ce nouveau PLFR. Notre pays ne guérira pas de cette manière. On nous dit que nos gouvernants ont changé de cap, qu'ils ont changé eux-mêmes. Peut-être essaient-ils de le faire, mais, face à la réalité, je ne distingue pas leur réussite pour l'avenir.

D'un côté, j'entends des mots fleuris et déterminés dans vos discours. De l'autre, les actes restent ternes, les budgets trop timides. Ainsi, vous annoncez 110 milliards. Or je ne compte que 42 milliards d'aides directes.

Le Président de la République a annoncé pour bientôt le retour des jours heureux. Demain, c'est encore loin… On nous présente un projet de loi qui n'aborde même pas la question du partage des richesses – je pense notamment au rétablissement de l'impôt sur la fortune.

D'un côté, on nous parle de valorisation de la recherche française et de planification. De l'autre, on ne répond pas au besoin de financement de la recherche fondamentale publique et on maintient le coûteux crédit d'impôt recherche, qui favorise uniquement les grandes entreprises.

On claironne des nationalisations et des réquisitions. Or il n'y a trace d'aucune pour le moment, alors que des entreprises aussi essentielles que Luxfer, Famar et Péters Surgical sont abandonnées, dans un silence coupable. J'espère que nous aurons cette fois des réponses à leur sujet.

D'un côté, un ministre nous annonce qu'il ne peut y avoir de retour au travail sans conditions de sécurité optimales. De l'autre, on ne débloque pas de moyens suffisants pour que tout le monde puisse être protégé. Pourtant, le déconfinement que vous annoncez pour le 11 mai est, au fond, un déconfinement du seul travail. Vous ne pourrez pas le faire sans protection pour les salariés et les travailleurs, au risque de leur santé et au risque également d'une deuxième vague épidémique.

Les mesures de ce PLFR, certes indispensables, effleurent à peine la surface du problème ; tel est leur défaut. Votre logiciel de pensée et votre monde s'écroulent. Laissons là les vestiges du chaos !

Les solutions pour demain ne sont pas à trouver, ni même à chercher : vous les avez toujours eues sous les yeux. Les solutions, ce sont celles des lanceurs d'alerte, des hospitaliers méprisés pendant trop longtemps, des pompiers brutalisés, des postiers condamnés, des cheminots et de tant d'autres. Ce sont celles aussi que nous avons proposées et que nous continuons à proposer dans notre programme « L'avenir en commun ».

Ce dont a besoin notre camp social, ce dont a besoin le peuple français, ce n'est pas qu'on lui dise que ses dirigeants ont compris – tout le monde a compris ce qu'il se passe ! Il a besoin que soient tirées les leçons sérieuses du passé et de la catastrophe actuelle, que les mêmes erreurs ne soient pas reproduites machinalement, en donnant par exemple 20 milliards aux entreprises privées sans poser aucune condition, sans obtenir aucune garantie sociale et sans qu'à aucun moment cela ne réponde à une planification sanitaire.

Il doit y avoir des conditions non négociables à ces aides : pas de licenciements, pas de versement de dividendes, pas d'argent donné aux pollueurs. Il faut en outre des objectifs stratégiques clairs. Voilà ce qui conditionnera notre position ; si les amendements que nous proposons, ou ceux d'autres groupes, ne sont pas pris en compte, nous voterons contre ce PLFR.

Cette crise est trop grave pour que nous la laissions devenir un nouveau signal d'alarme ignoré. C'est maintenant qu'il faut agir, c'est maintenant que se prépare le monde d'après.

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