Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du jeudi 19 mars 2020 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot :

Jamais nous n'avons été si éloignés les uns des autres et pourtant jamais nous n'avons été si unis, formant une nation rassemblée face à l'un des plus grands défis de son histoire. Jamais cette enceinte n'a été si dépeuplée dans un moment si grave ; elle est pourtant plus que jamais habitée par les 577 représentants du peuple de France – de métropole et d'outre-mer – , que je salue fraternellement. Jamais peut-être cet hémicycle n'a été aussi silencieux et ce silence sonne évidemment comme un hommage unanime, l'hommage d'une France confinée aux héros qui se battent pour elle : médecins, infirmiers, aides-soignants, brancardiers, pharmaciens, qui luttent pied à pied dans l'Oise et dans l'Est, et dans tous les territoires, pour faire reculer l'ennemi invisible qui, en quelques semaines, a mis la planète à genoux. Ils sont le visage et la grandeur de la France, et notre gratitude envers eux est inépuisable.

À la catastrophe sanitaire vient désormais s'ajouter la catastrophe économique qui appelle les mesures d'urgence dont nous délibérons. Car les difficultés des entreprises s'amoncellent et se propagent, faisant planer sur le pays le spectre d'une récession ravageuse. À l'image de la maladie qui se transmet par l'intermédiaire de nos relations sociales, l'imbrication de nos processus de production conduit à la propagation des détresses ponctuelles ou ciblées à l'ensemble de l'économie. Les difficultés de trésorerie d'abord, qui se diffusent par l'intermédiaire des délais et des défauts de paiement ; les ruptures d'approvisionnement ensuite, qui paralysent les chaînes de production, avec le risque majeur que se dégrade le patrimoine entrepreneurial de la France. Une entreprise qui disparaît, c'est un tissu de relations, un savoir-faire, une culture, une communauté qui sont perdus à jamais. Un commerce qui ferme, c'est la vie, c'est l'âme d'un village que l'on étouffe. Nos entreprises, nos commerces et nos artisans constituent un trésor national, qu'il est de notre devoir de protéger, quoi qu'il en coûte.

C'est pourquoi les députés du groupe du Mouvement démocrate et apparentés saluent les mesures annoncées par le Président de la République et la mobilisation exceptionnelle du Gouvernement et des services de l'État sous votre responsabilité, messieurs les ministres ; et c'est pourquoi ils voteront évidemment ce projet de loi. En effet, le plan de défense économique conçu par le Gouvernement répond tout à la fois la nécessité absolue de préserver le pouvoir d'achat des salariés et indépendants, et à celle d'armer nos entreprises et associations.

Avec 45 milliards d'euros consacrés à l'extension du chômage partiel, à la suspension des cotisations et des charges fiscales, à des renforts accordés au personnel soignant et à l'indemnisation des indépendants, avec le fonds de garantie d'une ampleur inédite, qui permettra aux banques de déployer 300 milliards de crédits aux entreprises, c'est cinquante fois plus que ce qui avait été fait au coeur de la crise de 2008 et qui avait permis de sauver des dizaines de milliers d'emplois. Il nous revient collectivement de veiller dès aujourd'hui à ce que ces munitions puissent être mobilisées immédiatement par toutes les entreprises, associations et indépendants sur tous les territoires de la République, et de vérifier que les services de l'État et les établissements bancaires sont en mesure de répondre à leurs demandes. Nous invitons le Gouvernement à effectuer un suivi qualitatif autant que quantitatif au plus près des acteurs et des réalités du front et d'en faire part régulièrement à la représentation nationale.

Ce matin, à Francfort, l'Europe s'est enfin réveillée en annonçant une campagne massive de soutien aux États et aux entreprises. Mais il faut aller plus loin. Démontrons que l'union fait la force, reconnaissons que nos destins sont liés, mutualisons le financement de cette nouvelle guerre mondiale, planifions ensemble l'effort de relance, le moment venu. Il n'y a pas, pour les peuples d'Europe, d'autre avenir que dans l'Union.

Cette crise touche à ce que nous avons de plus intime et de plus précieux : notre relation aux autres, à ceux que nous aimons. Mais au travers des ténèbres, où nous sommes plongés, pointe une lueur d'espoir, l'espoir qu'un monde nouveau puisse émerger des ruines du précédent : un monde plus sûr, plus fraternel ; une Europe plus souveraine, plus protectrice ; une place repensée pour l'homme dans son environnement ; un modèle de développement dans lequel l'intérêt privé et toujours contraint de céder à l'intérêt général et à la préservation des biens communs.

Chers collègues, rien ne sera jamais plus comme avant. Élevons nos âmes à la hauteur du moment, prenons, chacun à notre place, notre responsabilité dans cette épreuve et tenons-nous prêts à bâtir ensemble un avenir meilleur !

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