Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du jeudi 19 mars 2020 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Nous avons commencé à travailler sur la version définitive du texte hier soir à vingt heures quinze, alors que les amendements devaient être déposés avant ce matin neuf heures trente, délai que nous avons respecté.

Dans ces conditions, je commencerai par regretter, déplorer, dénoncer le fait que nos amendements tendant à rendre les dépistages automatiques aient été déclarés hors-sujet et irrecevables, alors qu'ils avaient pourtant été examinés en commission, et que les amendements visant à geler les dépenses d'eau et de gaz des particuliers, tout comme notre proposition d'interdire aux entreprises d'accéder aux aides de l'État si elles ont procédé à des licenciements aient connu le même sort.

Dans les petites comme dans les grandes choses, il est largement temps de changer de rythme et de manière de faire. Ce à quoi nous sommes confrontés est une maladie globale de la civilisation humaine, une maladie de l'écosystème.

Quand les êtres humains décident que la biodiversité n'a pas sa place, l'exclusion des pangolins et des chauves-souris provoque en retour un choc qui s'appelle « coronavirus ». C'est donc bien une crise écologique, liée à la maladie du système économique et social dans lequel nous vivons.

La prédilection pour le tout marché et la main invisible, le rejet de l'État et des services publics sont autant de vues dangereuses, au point d'en devenir mortelles.

Dans ces conditions, le facteur humain est premier. Sécuriser les conditions sociales du peuple, en particulier celles de la production, est la première de nos tâches. Pendant toute la durée de la crise, là où il faut continuer le travail, les députés de la France insoumise souhaitent que les salariés se réunissent pour délibérer des conditions dans lesquelles ils poursuivent la production et l'échange, et permettent que les conditions sanitaires en soient réunies.

Sécuriser, c'est interrompre les décomptes, pour le calcul des droits sociaux ; sécuriser les ressources et les dépenses des ménages ; garantir les ressources de l'État et les moyens publics.

Comment comprendre que vous refusiez le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – et la suppression des niches fiscales qui permettent à tant de ressources de s'évader, dans le refus du bien commun ?

Nos amendement ont pour objet de donner les moyens que l'Organisation mondiale de la santé réclame pour tous les pays, c'est-à-dire des dépistages systématiques et des milliards de masques, nécessaires à la continuation de la vie de tous les jours ; de garantir les salaires ; de prendre des précautions urgentes pour les plus précaires, les métiers d'art, les intermittents et tous ceux qui ne savent pas de quoi sera fait demain, si le peu qu'ils ont est mis en cause ; de sécuriser l'indemnisation du chômage. Bref : ils visent à combattre aussi vaillamment l'angoisse sociale que la maladie.

S'il faut une logique économique, vous voyez bien que ce n'est pas l'offre qui crée la demande, mais plutôt la demande qui crée l'offre raisonnable. La BCE continue sa politique routinière, qui consiste à proposer de racheter des dettes que détiennent les banques privées, pour réanimer la capacité d'emprunt de ces banques, là où il faudrait que les États bénéficient directement des moyens nouveaux que la BCE accorde.

Comparons ce qui est fait en Europe, alors que notre puissance économique est si grande, avec les États-Unis, où l'on se propose de verser jusqu'à 1 000 dollars par personne.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué l'avènement d'un monde d'après. Mais il vaudrait mieux que ce monde n'attende pas l'après et commence dès aujourd'hui : désormais priorité devrait être donnée à l'être humain et à cette souveraineté dont vous découvrez qu'elle est non pas du chauvinisme mais du bon sens, consistant à relocaliser et à planifier des moyens mis au service des êtres humains. La souveraineté, c'est une politique autant écologique que sociale.

Chers collègues, c'est maintenant que nous devons faire naître le neuf et nous le ferons dans la crise parce que les esprits sont plus ouverts et mieux préparé ; ils ont compris que nous courons à la catastrophe si nous continuons à suivre les règles qui nous ont gouvernés jusqu'à présent.

Voilà notre contribution.

Nous voterons sans doute votre texte tel qu'il est, non pas parce que nous pensons qu'il est suffisant, mais parce que nous ne voulons rien bloquer.

Nous vous adjurons de ne pas profiter des circonstances et de ne pas vous imaginer que nous acquiescerions à tout sans discuter.

Nous avons besoin, en particulier, que les travailleurs puissent se concerter sur leur lieu de travail et décider.

Nous avons besoin que le Parlement, sans interruption, puisse contrôler l'action du Gouvernement, donner son avis à celui-ci et lui adresser ses suggestions. La démocratie ne peut pas être passée par-dessus bord. Elle est notre principale ressource intellectuelle, morale et, oserais-je le dire, spirituelle.

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