Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du jeudi 19 mars 2020 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Tout, ces derniers jours, revêt un caractère exceptionnel : du pays, partiellement à l'arrêt, à la population, largement confinée, jusqu'à cette assemblée, qui reprend ses travaux dans des conditions inédites, avec vingt-cinq députés.

Tout cela doit évidemment être considéré à l'aune de la crise sanitaire que nous traversons. Nous aurons l'occasion de revenir sur la gestion par les pouvoirs publics de cette crise, et nous souhaitons que le rôle de contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement soit pleinement rempli.

Notre assemblée devra également instaurer des outils de suivi renforcé des projets de loi d'urgence dont nous débattons aujourd'hui et demain.

L'ordre du jour appelle la réponse budgétaire à la crise sanitaire mais aussi économique et sociale. Il importe que cette réponse soit massive et rapide. Oui, nous le disons sans ambages, ce budget rectificatif est indispensable.

Vous le savez, nous sommes particulièrement attentifs aux grands équilibres macroéconomiques et budgétaires ; nous attendons avec impatience le projet de loi de programmation des finances publiques promis pour le mois d'avril.

Le caractère extraordinaire de la situation actuelle requiert des solutions qui le sont tout autant. Je relève néanmoins qu'il est probable que les prévisions économiques sur lesquelles repose ce budget devront être revues dans les prochains mois. En effet, l'hypothèse d'une durée de confinement d'un mois puis d'une reprise immédiate est trop optimiste. La récession devrait être supérieure au moins 1 % de PIB attendu, et les recettes fiscales et surtout sociales devraient se contracter plus encore.

Il est dommage que le Gouvernement n'ait pas déposé parallèlement un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, afin d'ouvrir 2 milliards de crédits supplémentaires pour les hôpitaux, et 2,75 milliards pour l'Unédic. En d'autres termes, nous aurons sans doute à adapter encore l'accompagnement de la puissance publique dans les prochains mois, à travers une seconde loi de finances rectificative, votée avant l'été, puis une loi de finances, à la fin de l'année. Mais dès aujourd'hui, nous devons gérer l'urgence.

Le présent texte contient une partie des dispositifs qui doivent permettre à nos entreprises de passer la tempête, car nous remontent du terrain de nombreuses inquiétudes et difficultés dans de nombreux secteurs d'activité, pour ne pas dire tous.

Un nombre considérable de défaillances d'entreprises est à craindre, dans les prochaines semaines et les prochains mois, notamment de TPE et PME qui composent le tissu économique et social des territoires.

Faute d'étude d'impact et compte tenu des circonstances, nous ne sommes pas en mesure d'évaluer pleinement les effets des dispositifs que vous proposez. Le renforcement du mécanisme de chômage partiel, tout d'abord, est l'outil privilégié dans les cas de cessation brutale de l'activité ; l'effort consenti est d'ampleur. Je salue les assouplissements prévus.

Dans certains secteurs, cependant, l'activité se poursuit, sans pour autant que les mesures de lutte contre la propagation du virus soient appliquées. Le secteur de la construction, par exemple, a demandé l'arrêt temporaire des chantiers, et se heurte à la position des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE. Le bénéfice du chômage partiel, pour les entreprises concernées, pourrait ainsi être mis en cause. Il y a là un décalage entre les discours et le terrain. Madame Pannier-Runacher indiquait ce matin que c'était simple comme un coup de fil. Dans les faits, c'est plus compliqué.

Il semble qu'il y a d'autres trous dans la raquette, pour les professions libérales, les mandataires sociaux, et les conjoints collaborateurs, entre autres.

J'en viens au fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire, créé par ce texte, auquel l'État apporte 750 millions, auxquels s'ajoutent 250 millions versés par les régions. Le versement de cette aide est subordonné à la perte de 70 % du chiffre d'affaires. Pourquoi un tel chiffre ?

D'après le rapporteur général, la condition de versement devrait être appréciée au cas par cas. Dans l'analyse du programme 357, qui y correspond, il est indiqué que ce fonds cible les TPE indépendantes appartenant aux secteurs qui seront particulièrement touchés.

Quelles seront les modalités de gestion de ce fonds, et ce dernier sera-t-il suffisant ? Pourquoi n'avez-vous pas prévu de donner un caractère évaluatif à ces crédits ?

De même, alors que vous avez annoncé des reports de charges sociales et fiscales, mais aussi du paiement des loyers commerciaux ou des factures énergétiques, à hauteur de 35 milliards – un effort considérable – , certains estiment que ces aides de trésorerie ne seront pas suffisantes pour permettre aux entreprises d'éviter la défaillance. Ne vaut-il pas mieux envisager des exemptions totales ou partielles pour certaines d'entre elles ? Ce scénario est-il à l'étude ? Quid des différés de paiement de la TVA devant intervenir en fin de mois ?

J'en arrive à la dernière disposition majeure du texte, la garantie de l'État pour les entreprises auprès des banques, dans la limite de 300 milliards. Ciblant les PME et les entreprises de taille intermédiaire __ ETI, elle est soumise à plusieurs conditions du côté des banques ; celles-ci doivent notamment instaurer des différés d'amortissement. Cela s'ajoute au plan d'urgence de 750 milliards annoncé hier par la BCE, dont le cinquième, environ, pourrait concerner les entreprises françaises. Ma question est simple : comment s'assurer que les entreprises, notamment les plus petites, qui en ont le plus besoin, y accèdent vite et à bonne hauteur, tout en évitant que d'autres ne bénéficient d'effets d'aubaine ?

Cela a été dit : après le temps de l'urgence viendra le temps de la relance. Le 12 mars, évoquant des décisions de rupture, le Président de la République déclarait qu'« il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour ». Travaillons dès aujourd'hui à faire émerger cette inflexion de notre économie en gardant à l'esprit une autre urgence, climatique et environnementale, et un impératif, celui d'associer les territoires.

En conclusion, notre groupe votera en faveur de ce texte.

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