Intervention de Moetai Brotherson

Séance en hémicycle du mardi 11 février 2020 à 15h00
Code de l'urbanisme de saint-martin — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMoetai Brotherson :

À l'instar du Sénat en novembre 2019, de notre commission des lois le 4 février dernier et, il me semble, de l'ensemble des collègues qui m'ont précédé, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera en faveur de cette ratification.

Cette ordonnance est prise en vertu de l'article 74-1 de la Constitution étant donné que Saint-Martin, qui était une composante de la Guadeloupe régie par l'article 73 de la Constitution, est devenue une collectivité d'outre-mer le 15 juillet 2007. À ce titre, elle s'est dotée, en mars 2015, de son propre code de l'urbanisme, lequel est toujours dépourvu de la partie relative au droit pénal et à la procédure pénale, qui demeurent de la compétence de l'État. C'est à cette carence que vous nous demandez de mettre fin aujourd'hui, avant le délai de forclusion qui rendrait tout le travail accompli complètement caduc.

Il existe, cela a été dit, un large consensus autour de cette ordonnance, en raison de sa grande similitude avec le code de l'urbanisme national. Nous mesurons toutefois la double exigence à laquelle nous sommes confrontés, avec non seulement un impératif juridique, mais aussi une urgence climatique, l'un et l'autre éprouvant des difficultés à s'articuler sur le terrain.

Rappelons-nous en effet que la Caraïbe est particulièrement exposée aux risques naturels majeurs. Elle figure parmi les zones confrontées aux risques sismiques les plus importants, et doit chaque année craindre des ouragans de plus en plus violents. Les constructions dans cette région doivent respecter des normes à la fois antisismiques et anticycloniques, ce qui induit des coûts particulièrement élevés.

Personne n'a oublié l'ouragan Irma qui, dans la nuit du 6 au 7 septembre 2017, a dévasté Saint-Martin. Ouragan de catégorie 5, d'une puissance jamais enregistrée dans l'Atlantique, il a rayé l'île de la carte, causant onze décès, entraînant le départ de milliers de personnes, rendant l'économie exsangue et la population encore plus démunie et toujours traumatisée. Vingt pour cent des bâtiments ont été totalement détruits et, au total, 95 % des constructions endommagées. Comme pour illustrer l'ampleur du désastre et du problème du bâti, la préfecture elle-même n'a pas été épargnée.

Dans le même temps, nous avons pu constater que les dégâts ont été moins importants dans la partie néerlandaise de l'île, au Sud, et que le retour à la vie normale y a été bien plus rapide que du côté français. Pour expliquer ces différences, les Néerlandais ont évoqué une plus grande solidité de leurs bâtiments, reconstruits à la suite du cyclone Luis de 1995 et selon des normes bien plus exigeantes que dans la partie française. Au-delà de l'ordonnance, dont la ratification vient combler un vide juridique, ce constat démontre qu'une plus grande coopération régionale est nécessaire entre les deux parties de l'île.

Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons nier que le non-respect chronique de la réglementation en matière d'urbanisme à Saint-Martin a accru la vulnérabilité de nombreuses constructions. Tout comme nous ne pouvons que regretter qu'en dépit du bilan catastrophique de l'ouragan Irma de nouveaux bâtiments aient à nouveau été construits en bord de mer, parfois dans des zones inondables.

C'est dans ce contexte difficile que le processus de révision du plan de prévention des risques naturels a logiquement été lancé. Mais, en juillet 2019, les élus du Conseil territorial de Saint-Martin ont rejeté cette révision, au motif qu'elle a été élaborée sans prendre en considération « l'expérience et l'histoire des familles saint-martinoises ». Estimant qu'il devenait impossible d'attendre plus longtemps, la préfète de l'île a, de son côté, en août dernier, approuvé par anticipation la révision du PPRN. Ces deux positions argumentées se faisant face, une enquête publique a été menée et nous attendons, madame la ministre, de savoir si nous sommes parvenus à un modus vivendi dans lequel tout un chacun pourra se retrouver.

Nous connaissons l'ambition de votre Trajectoire outre-mer 5. 0. Atténuer la vulnérabilité de Saint-Martin face aux conséquences du dérèglement climatique constitue une pièce essentielle de ce défi et serait un signal fort pour l'ensemble des outre-mer, lesquels appréhendent avec une angoisse toujours plus forte l'arrivée des saisons cycloniques.

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