Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 30 janvier 2020 à 15h00
Déshérence des retraites supplémentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Treize milliards d'euros. Ce serait le montant des contrats de retraites supplémentaires non liquidés, en 2018, selon l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR. Ce qui veut dire que, chaque année, chaque mois, des Français ne reçoivent pas la retraite supplémentaire qui leur est due, alors même qu'ils ont cotisé et épargné auprès d'une compagnie d'assurances, d'une mutuelle ou d'un organisme de prévoyance.

Ce serait bêtement parce que ce capital n'a jamais été réclamé, parce que l'assuré l'a oublié, ou parce qu'il n'était pas au courant. Ou alors, ce capital n'a pas été restitué à cause d'un défaut d'information, parce que les coordonnées du bénéficiaire ne sont plus les bonnes ou parce que l'entreprise contractante a disparu.

C'est bien la traçabilité des assurés qui pose un problème. Quand on sait que dans son rapport publié en 2018, l'ACPR indique que le nombre de plis non distribués atteint 75 % pour les personnes concernées, âgées de plus de 70 ans, on se dit que la déshérence des retraites doit faire l'objet d'une politique publique plus efficace.

Alors, bien sûr, on peut saluer la loi Eckert, relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence, adoptée en 2014. Grâce à cette loi, les obligations de recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance vie, applicables aux assureurs, ont été renforcées. Et surtout, une nouvelle procédure de gestion de l'épargne en déshérence a été mise en place.

Au moment de l'arrivée à terme du contrat ou si l'assuré décède, il s'agit pour les assureurs de lancer des recherches en faveur des bénéficiaires. Ces recherches peuvent durer jusqu'à dix ans. Si elles ne donnent rien, les sommes sont transférées à la Caisse des dépôts et consignations. Dès lors, le site Ciclade permet aux bénéficiaires de récupérer leurs capitaux pendant trente ans.

Cette démarche doit évidemment être saluée. Mais si les encours de contrats non réglés en stock chez les assureurs ont progressivement diminué, passant de 5,4 milliards d'euros en 2015 à 4,7 milliards d'euros en 2017, le compte n'y est toujours pas pour les retraites supplémentaires car elles ne sont pas couvertes par ce dispositif.

Dans son rapport public annuel 2019, la Cour des comptes a fait le bilan de la loi Eckert et souligné : « Le dispositif n'a pas encore atteint son " régime de croisière ". Les résultats des deux premières années de traitement par les banques et les assureurs et les sommes conservées par la Caisse des dépôts tendent à montrer que l'apurement des stocks anciens n'est pas terminé et que l'érosion est lente. » Elle ajoute : « La pratique montre des difficultés d'application dans certains cas, nécessitant des ajustements législatifs ainsi que des améliorations dans les processus internes de gestion des banques et des assureurs. »

Les produits d'épargne sont de plus en plus utilisés par les Français. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – DREES – estime ainsi, dans son étude de 2019 sur les retraites, qu'en 2017, 13,1 millions de personnes détenaient un contrat de retraite supplémentaire en cours de constitution auprès de sociétés d'assurance.

Ces revenus supplémentaires, s'ils ne sont pas mirobolants, constituent tout de même un appoint non négligeable pour les ménages. En 2017, ils ont représenté un montant annuel de 2 340 euros, soit 195 euros par mois pour les souscripteurs. C'est ce type de revenu supplémentaire qui permet aux retraités d'affronter un contexte économique souvent tendu pour eux.

Alors que le pouvoir d'achat des retraités est en baisse de 6 % depuis le début des années 1990, c'est une bonne chose que le texte propose des moyens supplémentaires pour la recherche des bénéficiaires en élargissant la possibilité pour les établissements de s'appuyer sur des documents issus des caisses de retraite.

C'est également une bonne chose de réduire les délais de transfert des encours à la Caisse des dépôts : le site unique Ciclade deviendra ainsi accessible à tous, du moins pouvons-nous l'espérer.

Expérimenter la recherche des bénéficiaires des encours de contrats de retraite supplémentaire en déshérence auprès d'organismes spécialisés et volontaires constitue une autre avancée.

Enfin, et je m'en félicite, la proposition de loi demande que le site Ciclade fasse l'objet d'une meilleure information : il est trop peu connu des Français, alors même qu'il pourrait les informer sur le fait de savoir si la Caisse des dépôts possède des fonds qui leur appartiennent.

Parce que toutes ces dispositions vont dans le bon sens, je voterai, bien évidemment, la proposition de loi.

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