Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du jeudi 30 janvier 2020 à 15h00
Ouverture du marché du travail aux personnes atteintes de diabète — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Au printemps dernier, j'ai reçu dans ma permanence un pompier, Jean-Marc, qui a découvert, à 28 ans, qu'il souffrait d'un diabète de type 1. Au sein de sa caserne, trois personnes étaient dans ce cas. La médecin-chef a alors fait preuve d'une certaine tolérance, acceptant qu'ils restent en fonction et effectuent les manoeuvres normalement. Après son départ à la retraite, sa remplaçante a constaté avec surprise qu'il y avait trois diabétiques dans la caserne et a décidé d'appliquer les textes, procédant à leur mise à l'écart, ce qui a été ressenti avec inquiétude et angoisse par Jean-Marc et ses collègues.

Heureusement, le directeur du service départemental d'incendie et de secours est intervenu. Sans tenir compte de la décision de la médecin-chef, il a décidé de passer par-dessus les textes, les lois, de mettre un peu de rondeur dans tout cela, et de leur permettre de poursuivre normalement leur carrière, faisant preuve d'une certaine intelligence dans l'application de la loi.

Jean-Marc a profité de ces années pour faire des recherches, et, selon lui, beaucoup de ses collègues ont quitté la profession à cause du diabète ; il a aussi découvert que d'autres professions – hôtesse de l'air, conducteur de train, marin, contrôleur SNCF, militaire… – étaient fermées aux diabétiques.

À l'évidence, le groupe La France insoumise est favorable à l'abolition de cette discrimination. C'est un examen au cas par cas qui doit décider de la possibilité d'exercer ces métiers ; les diabétiques ne doivent pas être d'emblée exclus. Sinon, ils subissent une double peine : comme si la maladie ne suffisait pas, il faudrait y ajouter l'exclusion professionnelle. Merci, madame la rapporteure, de votre proposition de loi ; nous la soutiendrons.

Madame la ministre, en préparant l'examen de cette proposition de loi, je suis tombé sur un article de Capital, intitulé : « Économies massives en vue pour Sanofi, arrêt de la recherche dans le diabète ». On y lit que « Sanofi annonce l'arrêt des activités de recherche dans le diabète » ; on y lit aussi que « Sanofi se donne pour objectif d'augmenter d'environ 50 % son cash-flow ». L'objectif n'est donc plus industriel ; il est purement financier. Paul Hudson, le nouveau PDG de cette entreprise, déclare ailleurs qu'il ne voit plus d'avenir pour l'innovation dans le domaine du diabète et des maladies cardiovasculaires.

Depuis dix ans, Sanofi a supprimé un tiers de ses postes de chercheurs dans le monde, et un tiers en France : 4 000 dans le monde, 2 000 en France. Cela pourrait se comprendre si l'entreprise rencontrait des difficultés. Mais, dans le même temps, en 2019, Sanofi a versé 3,8 milliards de dividendes à ses actionnaires ! J'ai fait le calcul : cela représente cinquante années de Téléthon. Ce sont autant de milliards qui ne seront pas consacrés à la recherche sur les maladies orphelines, sur l'épilepsie, sur l'autisme, sur les maladies cardiovasculaires, sur le diabète.

La recherche est massacrée sur l'autel des actionnaires. Ceux-ci passent avant les patients, et en l'occurrence avant les diabétiques. D'ailleurs, ceux-ci ont organisé une protestation, il y a trois semaines, devant le siège de Sanofi.

On peut dire que l'insuline raconte une histoire du capitalisme, une histoire de la voracité. Il y a près d'un siècle, en 1921, quatre chercheurs de Toronto, Mac Leod, Best, Banting et Collip, découvrent l'insuline. Grâce à elle, on ne meurt plus du diabète. Un siècle plus tard, ce produit est devenu une rente pour des labos, Novo, Eli Lilly et Sanofi, qui ne se font pas vraiment concurrence. C'est 70 euros la dose en France, et c'est la sécu qui paye, soit ; aux États-Unis, ou dans les pays du Sud, les pauvres n'accèdent toujours pas aux traitements et continuent d'en mourir – là-bas, Sanofi est dénoncé. Une telle situation est une trahison de l'oeuvre des Quatre de Toronto.

Est-ce là un modèle à proposer aux Français ? Est-ce moral ? Est-ce un choix honorable ? Oui, je parle d'honneur, parce que j'ai découvert que, le 1er janvier dernier, Serge Weinberg avait été fait commandeur de la légion d'honneur. Comment peut-on expliquer que le dirigeant d'une entreprise comme celle-là, qui se comporte comme celle-là, qui met les profits avant la vie – comme l'histoire de la Dépakine comme celle du diabète le montrent – soit ainsi récompensé, décoré ? J'aimerais une explication.

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