Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du mardi 28 janvier 2020 à 15h00
Prise en compte des droits de l'enfant à l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

« Nous, les adultes, avons malheureusement failli à notre devoir » de défendre les droits des enfants, reconnaissait il y a dix-huit ans Kofi Annan, alors secrétaire général de l'ONU. « C'est à nous, adultes, ajoutait-il, qu'il incombe de corriger toutes ces situations qui reflètent nos manquements ».

Au coeur des dix-sept objectifs de développement durable qui ont été adoptés par la suite se trouvent les droits de l'enfant. La France a signé ce contrat social avec les autres États membres de l'ONU. Nous nous sommes engagés à faire vivre cette vision de l'humanité que nous partageons, à tout mettre en oeuvre, notamment, pour offrir aux enfants un environnement durable où ils pourront s'épanouir et jouir pleinement de tous leurs droits.

Malheureusement, les chiffres sont là pour nous le rappeler, la situation des enfants dans notre pays est encore indigne d'un État de droit. Cinq cent mille enfants de moins de trois ans vivent sous le seuil de pauvreté ; un enfant est violé toutes les heures ; un enfant est tué dans le cercle intrafamilial tous les cinq jours ; 73 000 cas de maltraitance sont signalés chaque année à la police et à la gendarmerie. Nous devons sans cesse rappeler ces chiffres terrifiants.

J'arrête là la litanie des statistiques inacceptables qui révèlent la dure réalité d'enfants qui ne peuvent pas se sortir eux-mêmes de ces violences, de cette misère, de cette souffrance. Ils ont besoin de nous pour être protégés, éduqués, soignés. Ils ont besoin de nous pour leur ouvrir bien grand les portes de l'innocence de l'enfance.

C'est parce que les enfants sont dépendants et vulnérables qu'ils ont besoin d'une protection spéciale. Celle-ci, qui figure au coeur de la convention internationale des droits de l'enfant, doit irriguer toutes nos politiques publiques.

Concernant cette convention, la France s'honorerait de l'appliquer dans sa totalité. Or elle a émis des réserves au regard de l'article 30 qui porte sur le droit des enfants des minorités linguistiques et culturelles. Celui-ci énonce que « Dans les États où il existe des minorités [… ] linguistiques [… ], un enfant [… ] appartenant à une de ces minorités ne peut être privé du droit d'avoir sa propre vie culturelle [… ] ou d'employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe. » La France, considérant qu'il n'existe pas de minorités culturelles ni linguistiques sur son territoire, déclare qu'il n'y a pas lieu d'y appliquer cet article – y compris pour ce qui concerne les minorités religieuses et ethniques qui y sont également mentionnées. Elle a pris cette décision compte tenu de l'article 2 de la Constitution, texte qui reconnaît pourtant l'existence de minorités culturelles ethniques dans les pays d'outre-mer relevant de statuts juridiques spécifiques. Cette position est plus qu'étonnante : inacceptable. Le Conseil économique et social des Nations unies a, en 2008, « recommandé » à la France de retirer cette réserve. Le Gouvernement compte-t-il suivre enfin cette recommandation ?

En attendant, le groupe Libertés et territoires salue cette proposition de résolution. Nous soutenons l'objectif de prendre systématiquement en compte les droits des enfants dans nos travaux parlementaires. Notre groupe est convaincu que nous devons avoir une approche globale des droits des enfants. Nous devons appréhender le bien-être de l'enfant, son intérêt supérieur, dans tous les domaines où nous légiférons.

Ainsi, en matière de violences intrafamiliales, nous avons adopté la proposition de loi relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires, grâce notamment à notre collègue Maud Petit. C'était nécessaire, mais pas suffisant car la violence au sein d'une famille peut toucher l'enfant même indirectement, comme lors de violences conjugales. Les enfants ne sont pas épargnés par la violence qui règne au sein d'un couple. C'est pourquoi il est important de prendre en compte les droits des enfants, y compris dans la lutte contre ce type de violences. Cela a été le cas de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, et nous nous en réjouissons.

Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, mais il montre combien nous devons placer l'enfant au coeur de notre réflexion législative afin d'envisager toutes les mesures à même de lui octroyer la protection spéciale dont il a tant besoin. C'est en oeuvrant efficacement pour défendre tous les droits des enfants que nous, adultes, nous législateurs, leur permettrons de vivre dans un environnement où ils pourront jouer, rire, rêver, pleurer et être réconfortés par des coeurs aimants ; où ils pourront s'épanouir et être demain des acteurs du développement harmonieux et durable de notre société. À nous, aujourd'hui, de faire en sorte que cette résolution, dont la portée est dans les textes très limitée, devienne une ligne de conduite, voire qu'elle débouche sur des actes plus concrets et plus engageants pour notre assemblée.

Cette résolution que le groupe Libertés et territoires accueille favorablement est la preuve de notre prise de conscience collective en faveur d'un renforcement des droits de l'enfant dans notre travail parlementaire. Permettez au jeune grand-père que je suis de dire combien l'absence d'une telle prise en compte du respect de l'enfant m'a manqué quand j'étais jeune père. Notre société avance, comme chacun de nous, grâce à ce que nous allons faire aujourd'hui.

3 commentaires :

Le 31/01/2020 à 14:45, Laïc1 a dit :

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La France, considérant qu'il n'existe pas de minorités culturelles ni linguistiques sur son territoire, déclare...

"Disons plutôt qu'il y en a plus, car avec la politique de purification linguistique que la France a menée tout au long du 20e siècle, ces communautés linguistiques ont disparu.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 31/01/2020 à 14:49, Laïc1 a dit :

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"y compris pour ce qui concerne les minorités religieuses et ethniques"

La France étant un pays laïc qui ne reconnaît pas les cultes, il ne peut pas y avoir de minorité religieuse officiellement reconnue sur son territoire.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 31/01/2020 à 14:53, Laïc1 a dit :

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Il faudrait que l'ONU comprenne enfin cette notion de laïcité, sinon ils vont continuer à nous pondre des résolutions incompréhensibles pour l'intelligence française laïque.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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