Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du mercredi 15 janvier 2020 à 15h00
Accès à la prestation de compensation du handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

La prestation de compensation du handicap vise à compenser la perte d'autonomie. Le handicap vécu dans le corps et dans la tête dépend étroitement de la manière dont il est pris en charge par la société. Il est considérablement allégé lorsque des moyens logistiques dédiés sont mis en place pour accompagner la personne en situation de handicap. Cela passe par des facilités de stationnement ou de transport, des adaptations dans le logement, l'achat d'un fauteuil ou encore une aide animalière.

Le rôle de la puissance publique est précisément de pallier la perte d'autonomie en offrant au minimum un accompagnement pour les besoins matériels du quotidien. Aujourd'hui, cette responsabilité incombe principalement aux départements, chargés de calculer le reste à charge des familles, de faire le lien avec l'assurance maladie et la CAF, la Caisse d'allocations familiales, et de financer ce que l'État ne prévoit pas.

Sur les bancs de notre assemblée, nombreux sont ceux qui ont souhaité la fin des départements. Au lieu de les asphyxier, mieux vaudrait au contraire les doter davantage et respecter leur autonomie financière. Les départements supportent en effet 70 % des dépenses liées au versement de la PCH. Avec 608 millions d'euros de dotation de l'État pour une dépense moyenne de 2 milliards, le trou est important. Si l'enjeu de décentralisation est louable, l'absence de moyens est condamnable.

Dans la même veine, la centralisation à Lille de la gestion des cartes de stationnement pour personnes en situation de handicap a transformé ce service en une superstructure technocratique. Dans ma circonscription, je reçois régulièrement des doléances dénonçant le temps de traitement des demandes, qui empêche certains administrés d'obtenir leur carte à temps et fait d'eux des victimes de la réorganisation administrative. Il n'est pas normal qu'une personne qui réclame le renouvellement de sa carte trois mois avant son terme se trouve sans solution pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, parce que le service ne lui répond pas. Les agents, que j'ai pu contacter, n'y sont pour rien. Ce sont les moyens qui manquent.

La PCH est nécessaire, mais elle est imparfaite et cela nuit grandement à son efficacité. Je n'en donnerai que quelques exemples : le traitement des demandes peut varier de trois à douze mois, alors que le handicap est vécu tout de suite, sans délai, par les personnes qui en sont victimes ; le critère d'âge d'attribution de la PCH à 60 ans ne correspond pas à la réalité des situations de handicap, qui surviennent souvent sans prévenir ; la prestation n'a pas été augmentée depuis 2006, soit près de quinze ans, à coût constant, pendant que l'inflation suit son cours ; quant au prix des produits et des matériels destinés à compenser le handicap, souvent très élevé, il a, lui aussi, augmenté, ce qui déconnecte l'aide des coûts supportés par les ménages concernés.

Cette proposition de loi, très courte – elle est composée de quatre articles – , vise à apporter des correctifs, notamment quant aux financements qui pèsent sur les départements, mais elle suscite des interrogations.

Ainsi, l'article 1er supprime la condition d'âge de 60 ans, âge avant lequel il est possible de demander le versement de la PCH, mais il ne revient pas sur la nécessaire détermination du handicap avant 60 ans, ce qui est contraire à l'article 13 de la loi du 11 février 2005 prévoyant la suppression du critère d'âge au plus tard en 2010. Pour cette raison, le groupe La France insoumise s'abstiendra sur cet article.

Plus largement, après la Loi ELAN – portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – , qui réduit à 10 % le nombre de logements devant être accessible aux PMR, les personnes à mobilité réduite, cette loi est un timide rattrapage – une occasion, pour le Gouvernement et la majorité parlementaire, de se donner bonne conscience sans agir réellement sur le fond.

Chaque jour, vous le savez, nous dénonçons cette loi ELAN. Comment peut-on justifier par la loi l'impossibilité, pour certains de nos concitoyens, d'accéder à des commerces, à des services publics et à des logements ? On ne peut pas compter sur la seule bonne volonté de l'ensemble des propriétaires fonciers : il suffit d'une brebis galeuse, d'un marchand de sommeil, d'un propriétaire égoïste pour créer une injustice entre les personnes valides et celles qui ont des difficultés.

Le handicap n'est pas une fatalité, mais c'est une éventualité pour tout le monde. Vous, moi, chaque Française et chaque Français risquons chaque jour de basculer dans le handicap. La moindre des choses est de pouvoir compter sur l'État.

Finalement, cette loi vise à donner bonne conscience. Dans les faits, elle va encore accroître la pression vécue par les départements et les difficultés des interlocuteurs politiques en prise directe avec nos concitoyens. En tant que législateurs, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation.

Parce que nous ne concevons pas que les collectivités territoriales supportent une nouvelle fois la charge que l'État ne veut pas assumer, parce que nous ne digérons pas le recul social que vous avez opéré avec la loi ELAN, le groupe La France insoumise ne participera au vote de la proposition de loi. Nous réclamons en revanche une loi nationale d'envergure pour que l'État réponde financièrement aux besoins des collectivités territoriales et impose l'accessibilité pour toutes les personnes en situation de handicap. La France doit être une République solidaire et véritablement inclusive.

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