Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du mercredi 8 janvier 2020 à 15h00
Débat sur la mise en oeuvre des ordonnances de la loi travail

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

La mise en oeuvre des ordonnances travail, sujet de ce débat réclamé par le groupe Socialistes et apparentés, a suscité plusieurs inquiétudes de la part des organisations syndicales. Je souhaite ici revenir sur quatre d'entre elles.

La première concerne la création du comité social et économique, obligatoire dans les entreprises dont l'effectif est au moins égal à onze salariés pendant douze mois consécutifs. Les CSE résultent de la fusion des trois anciennes instances de représentation du personnel : délégués du personnel, comité d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Leurs élus doivent donc désormais exercer simultanément les compétences auparavant attribuées à trois instances distinctes, et doivent donc faire montre d'une exigence accrue dans la maîtrise des dossiers. Si l'objectif affiché par le Gouvernement était d'élargir les compétences des représentants du personnel afin de leur donner une vision globale des enjeux de l'entreprise, il semble au contraire que la concentration de leurs responsabilités a pour effet de dissuader de nombreux salariés à se présenter aux élections professionnelles, ce qui pourrait à terme ralentir le rythme de travail des CSE.

En outre, alors même que vous demandez aux élus un investissement accru au sein du CSE, vous faites le choix, madame la ministre, de réduire les moyens alloués à cette instance en termes d'heures de délégation, de recours à l'expertise et de délais d'information-consultation, sans compter que vous interdisez aux suppléants de participer aux réunions du CSE en présence de leurs titulaires. Tous ces facteurs constituent autant de freins à la montée en compétences des élus du CSE.

La deuxième inquiétude a trait à la santé et à la sécurité au travail. Si les instances de représentation du personnel ont été fusionnées au sein du CSE, les ordonnances prévoient cependant la possibilité de créer une ou plusieurs commissions de santé, de sécurité et des conditions de travail, auxquelles le CSE peut déléguer ses attributions en la matière. Bien qu'il soit prématuré de dresser un bilan du travail de ces commissions, les organisations syndicales expriment néanmoins des inquiétudes à leur sujet. Tout d'abord, on peut regretter la disparition du CHSCT, qui fait perdre aux représentants du personnel leur capacité de réaction immédiate en cas de danger pour la sécurité ou la santé des salariés. Par ailleurs, les ordonnances renvoient à la négociation collective l'établissement des règles de composition et de fonctionnement de ces commissions : nombre de membres, modalités d'exercice, etc. Dès lors, il est à craindre que certains accords s'en tiennent au minimum légal et entraînent un recul par rapport à l'existant. En cas de désaccord, ces règles seront fixées par le règlement intérieur, sans qu'aucune disposition minimale ne soit prévue.

Troisièmement, pour ce qui est de la pénibilité, et comme nous avons souligné hier lors des questions au Gouvernement, les règles qui existaient en 2017 permettaient à 800 000 salariés de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite du fait de la pénibilité de leur fonction, tandis que les règles actuelles ne concernent plus que 180 000 salariés – d'où une réduction considérable des droits des salariés.

Quatrièmement, enfin, nous exprimons également plusieurs inquiétudes au sujet des accords de performance collective, destinés à aménager la durée du travail, la rémunération et les conditions de la mobilité professionnelle, en particulier à cause de la souplesse juridique avec laquelle ils ont été conçus. En effet, contrairement aux accords de préservation et de développement de l'emploi et aux accords de maintien de l'emploi qu'ils remplacent, les accords de performance collective peuvent être conclus par des entreprises qui ne rencontrent pas nécessairement de difficultés économiques. Cela laisse craindre un détournement du dispositif dans le but de se soustraire aux obligations en matière de licenciement économique et de recherche de repreneur. En outre, l'employeur n'est pas tenu d'inclure dans les accords de performance collective une clause de retour à meilleure fortune. De fait, près de trois quarts des accords conclus jusqu'à présent sont à durée indéterminée, modalité qui n'impose pas à l'employeur d'y revenir ultérieurement, même en cas d'amélioration de la situation économique de l'entreprise – sauf mention contraire dans l'accord. Une telle insécurité juridique peut s'avérer particulièrement problématique, notamment dans les très petites entreprises.

Enfin, des inquiétudes ont été remontées concernant le possible détournement de certains accords de performance collective dans des entreprises relevant d'une même branche professionnelle, qui adopteraient des mesures identiques, notamment en matière d'augmentation du temps de travail, afin de contourner collectivement la convention collective dont elles relèvent. Ces accords n'étant pas rendus publics, je me permets, madame la ministre, de vous interroger à ce sujet.

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