Intervention de Marie-Christine Verdier-Jouclas

Séance en hémicycle du mercredi 8 janvier 2020 à 15h00
Débat sur la mise en oeuvre des ordonnances de la loi travail

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Verdier-Jouclas :

Rapporteure des crédits de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances, je suis particulièrement honorée de participer au présent débat sur la mise en oeuvre des ordonnances de la loi travail, une série de textes que l'on réduit souvent, à tort, au remplacement des instances représentatives du personnel par le comité social et économique.

À tort, car la philosophie de ces ordonnances est bien plus large. Elle correspond à une conviction partagée au sein de la majorité : que la norme du travail de demain doit être co-élaborée par les partenaires sociaux, et ce d'abord au sein de l'entreprise, pour être plus souple, plus spécifique, plus concrète, plus adaptée aux attentes des salariés comme des entreprises.

Il paraît nécessaire de rappeler le contexte antérieur à ces ordonnances afin de faire mieux comprendre en quoi elles étaient requises et où nous en sommes aujourd'hui.

Sur le front de l'emploi, la situation du marché du travail en France se caractérisait par un taux de chômage resté supérieur à 9 % depuis dix ans. Au sein des embauches, la part de CDD était passée de 76 % en 1993 à 87 % en 2017. Et ce sont les établissements de moins de dix salariés et le secteur de la construction qui indiquaient le plus souvent recruter en CDD pour se soustraire au poids de la réglementation applicable aux CDI.

Sur le front de la négociation sociale, 15 % des entreprises de dix salariés ou plus du secteur marchand non agricole ont engagé en 2016 au moins une négociation collective tous thèmes confondus. Enfin et plus globalement, le droit du travail, qui s'est construit en grande partie à la sortie de la Seconde Guerre mondiale pour et par les grandes entreprises n'était plus adapté à la compétition internationale ni aux TPE et PME.

Les objectifs annoncés de ces ordonnances étaient donc de trois ordres, et c'est à l'aune de ces seuls objectifs que les Français doivent juger de l'efficacité de ces ordonnances deux ans après leur mise en oeuvre.

S'agissant de la sécurisation des relations de travail et de la diminution de l'incertitude quant au coût juridique des licenciements, trois dispositifs ont concouru à cet objectif : l'instauration du barème d'indemnité prud'homale pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse, la simplification du régime juridique des licenciements économiques et l'introduction de la rupture conventionnelle collective. Les chiffres de l'INSEE montrent que la part des entreprises citant les risques associés aux licenciements comme barrière à l'embauche a significativement diminué dans tous les secteurs d'activité, de 10 % en septembre 2017 à 4 % en septembre 2019 pour les entreprises de services par exemple. Le barème a changé également le comportement des salariés. Une récente étude qualitative de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, démontre que les salariés ont tendance à recourir davantage à la transaction et que leur demande d'indemnités est plus adaptée. La « barémisation » a renforcé la négociation entre les salariés et les employeurs.

S'agissant de l'élargissement de la négociation collective, notamment pour les très petites et moyennes entreprises, le référendum d'entreprise a été très utilisé – son utilisation a augmenté de 161 % – , matérialisant une forme de démocratie directe dans les entreprises comptant jusqu'à vingt salariés et permettant de stabiliser des dispositions consensuelles.

Enfin, concernant la simplification et le renforcement du dialogue économique et social, les accords de performance collective ont pleinement rempli leur objectif. Comme le rapport de décembre 2019 de la DARES le souligne, les APC ont répondu aux nécessités de fonctionnement des entreprises.

Cependant des défis restent à relever. Premièrement, la mise en place des comités sociaux et économiques s'inscrit pour l'instant dans une approche plutôt quantitative et d'application minimaliste des dispositions légales. Deuxièmement, la fusion de l'ensemble des instances en une seule pose la question d'une représentativité qui respecte la proximité. Le troisième défi porte sur les parcours des élus et leur travail concret face aux nouvelles charges qui naissent de cette logique de concentration. Il peut s'avérer plus intense mais aussi plus complexe.

Ce qu'il faut retenir cependant c'est que les ordonnances du 22 septembre 2017 ont fait le pari d'un profond bouleversement des règles du dialogue social en favorisant une culture de la négociation et du compromis. Ce changement d'ordre culturel qui fait de la négociation une opportunité pour créer un levier de progrès et d'innovation ne pourra produire tous ses effets que sur le temps long. Pourtant, le nombre de création nette d'emplois, la reprise du recrutement dans l'industrie, la baisse actuel du taux de chômage, la progression record du taux d'emploi en CDI sont les résultats d'une politique visant à décentraliser la négociation au niveau de l'entreprise et de donner confiance aux employeurs.

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