Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mercredi 11 décembre 2019 à 15h00
Violences au sein de la famille — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Le total des femmes tuées sous les coups de leur conjoint s'élève aujourd'hui à 142 selon le collectif Féminicides par compagnons ou ex, qui les recense sur sa page Facebook. Naviguer sur cette page, où ces féminicides sont géolocalisés et accompagnés d'une description, glace le sang et révulse la conscience.

Le 140e meurtre est survenu mercredi 4 décembre, au lieu-dit La Pilais, à côté de Corsept en Loire-Atlantique. Laetitia Landreau, 34 ans, a été écrasée par son mari. La voiture porte les stigmates du choc violent.

Nicole, la 141e, a été tuée à coups de couteau, et Sabrina Ruffe, la dernière en date, a été tuée par arme à feu.

Je pourrais citer encore d'autres exemples tout aussi révoltants, tel celui de Julie Douib tuée en Corse en mars dernier, elle aussi par arme à feu. Victime de violences conjugales depuis plusieurs années, elle avait déposé cinq plaintes – je dis bien cinq. La justice a affirmé avoir traité toutes les plaintes, mais force est de constater qu'il y a d'énormes manquements dans la lutte contre les violences conjugales.

Partant de ce constat partagé par nous tous, mais auquel n'ont été apportées que des réponses trop longtemps incomplètes, le Gouvernement a souhaité lancer le Grenelle des violences conjugales – démarche que nous saluons.

Les mesures annoncées par le Premier ministre le 25 novembre sont bienvenues : levée partielle du secret médical en cas de danger immédiat pour les victimes ; dispositifs de protection pour les femmes au travail et celles en situation de handicap ; création de quatre-vingts postes d'intervenants sociaux supplémentaires dans les commissariats et les brigades, ou encore inscription de « l'emprise » dans le code civil et le code pénal.

Toutefois, on peut s'interroger sur l'application concrète de toutes les mesures annoncées tant que les moyens financiers ne suivent pas. Les sujets d'inquiétude sont nombreux ; je ne citerai que les places d'hébergement, la prévention, ou encore les modes d'éducation. Les moyens financiers étaient d'ailleurs l'une des principales revendications des 150 000 personnes ayant manifesté le 23 novembre, à l'appel du collectif Nous toutes !

D'après le rapport du Haut Conseil à l'égalité intitulé Où est l'argent contre les violences faites aux femmes ?, publié fin 2018, il faudrait entre 500 millions et un milliard d'euros pour prétendre lutter efficacement.

La proposition de loi d'Aurélien Pradié – que je salue – s'inscrit dans ce temps de l'action initié après les indignations suscitées par le mouvement #MeToo. Elle propose des avancées nécessaires, au bénéfice des victimes.

Nous le répétons : les hésitations, les atermoiements doivent cesser. Depuis la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, complétée par l'article 39 de la loi du 28 février 2017, la possibilité d'expérimenter le bracelet antirapprochement pendant une période de trois ans n'a pas été véritablement exploitée. C'est pourquoi nous soutenons sans hésitation la mesure visant à généraliser ce dispositif.

Nous soutenons également la réduction à six jours du délai pour la délivrance d'une ordonnance de protection. Le délai moyen, actuellement d'un mois et demi, ne répond pas à l'urgence de la situation et peut même constituer un risque majeur.

L'expérimentation en faveur du relogement nous paraît aussi être une mesure intéressante. Trop souvent, les victimes sont confrontées à une perte d'autonomie, à une précarité intolérable, en partie alimentée par la perte du logement.

Le texte issu de la commission mixte paritaire a, quant à lui, évolué de manière assez conséquente par rapport à celui voté par l'Assemblée nationale, en musclant quelques-unes de ses dispositions répressives.

Plusieurs nouveaux articles ont en effet été adoptés, et pas des moindres – je pense à l'article 2 quinquies qui institue la suspension de principe de l'autorité parentale, en cas de crime ou de poursuite pour crime contre la personne conjointe. Nous n'avons pas d'objection majeure à cette accélération permise par la navette parlementaire – quand bien même les conditions de son adoption au sein de la commission mixte paritaire ont été, disons-le, expérimentales. Mais vous connaissez notre attachement à l'expérimentation et à la souveraineté du pouvoir législatif !

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