Intervention de Christophe Castaner

Séance en hémicycle du mardi 5 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Administration générale et territoriale de l'État ; sécurités ; contrôle de la circulation et du stationnement routier

Christophe Castaner, ministre de l'intérieur :

Alors que les débats en commission ont duré six heures trente, il me revient de tenter de répondre à l'ensemble des questions en dix minutes : je suis certain que nombreux sont ceux qui me pardonneront de ne pas répondre à toutes les questions, surtout à celles qui ont déjà été abordées durant nos échanges en commission.

Je tiens à réaffirmer ce que le budget concrétise : la sécurité est la première priorité de ce gouvernement. C'est la volonté qu'avait exprimée le Président de la République lors de la campagne électorale et c'est la réalité de la politique que nous conduisons depuis mai 2017. Les deux précédents budgets du ministère de l'intérieur ont été en hausse et celui-ci connaît l'augmentation la plus significative, pour répondre aux urgences que tous, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, avez évoquées. Votre constat, qu'il s'agisse de vos circonscriptions ou du territoire national, est légitime. Ce budget est en hausse significative, sans toutefois résoudre tous les problèmes, notamment la crise profonde qui traverse la police, la sécurité, la gendarmerie ou les sapeurs-pompiers, que ces derniers soient professionnels ou volontaires.

Je n'ai en effet pas la prétention, à travers un seul budget, de mettre fin au malaise profond de la sécurité nationale, qui dure depuis quinze, voire trente ans. Certes, pendant cette période, l'abandon n'a pas toujours atteint le niveau qui s'est traduit par la suppression de 12 500 postes. Il n'en demeure pas moins que des tensions persistent, que nous devons corriger et réparer.

La sécurité est d'abord l'affaire des femmes et des hommes qui servent les Français au quotidien. Comme nombre d'entre vous, je veux rendre hommage à l'engagement des policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers qui, tous, dans leur mission respective, garantissent la protection et la liberté des Français. Que l'on me reproche de les défendre et de les défendre encore, je ne le regrette pas, parce que je sais ce qu'ils vivent chaque jour, chaque nuit, chaque week-end, comme je sais aussi ce qu'ils ont vécu trop souvent les samedis après-midi.

Les crédits de la mission « Sécurités » sont une preuve de l'engagement déterminé du Gouvernement : 13,8 milliards d'euros y sont consacrés – une augmentation majeure de 525 millions. S'agissant des seuls budgets de la police et de la gendarmerie, l'augmentation s'élève à 4 %, soit 9 % depuis 2017 – plus de 1 milliard d'euros supplémentaires. Cette hausse très sensible est à la hauteur de l'engagement de nos forces que je tiens de nouveau à saluer.

En particulier, le budget de la police nationale s'élève à 7,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à 2019. En plein accord avec les organisations syndicales, cette augmentation a d'abord été consacrée à une hausse des salaires. Le protocole du 19 décembre 2018 a permis de décider d'une augmentation de salaire de plus de 100 euros nets par mois pour nos policiers. Dès l'ouverture de la négociation, nous avons souhaité fixer des objectifs ambitieux de transformation en profondeur du fonctionnement du ministère et des conditions de travail de nos policiers, en particulier s'agissant de l'organisation du temps de travail. Parallèlement aux augmentations salariales, nous avons les moyens d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé de recruter 10 000 policiers et gendarmes. Avec 1 480 équivalents temps plein, nous marquons cette année notre effort en faveur de la police nationale.

Nous avons donc résolument fait le choix du porte-monnaie et 87 % des crédits accordés à la police sont consacrés à des dépenses de personnels. Corollaire de cet engagement, que les organisations syndicales avaient également pris : les réformes structurelles ont été amorcées. J'évoquerai l'expérimentation d'un nouveau rythme de temps de travail. Beaucoup, depuis très longtemps, parlent des suicides ; l'année dernière a vu un record de suicides au sein de la gendarmerie. Nous avons donc pris à bras-le-corps la question du rythme de travail de la police. Comment accepter que les policiers n'aient qu'un week-end sur six à consacrer à leur famille et un mercredi sur six pour accompagner leurs enfants à leurs loisirs ? Nous avons donc décidé d'une organisation fondamentalement différente qui, depuis le début de l'expérimentation, permet à ceux qui n'avaient jusqu'à présent qu'un week-end sur six de bénéficier désormais d'un week-end de trois jours et d'un mercredi toutes les deux semaines – sans pour autant diminuer la présence des policiers sur le terrain.

Ce nouveau rythme était l'une de nos ambitions. En effet, je ne supportais plus d'entendre, à chaque suicide, que celui-ci était dû à des causes extérieures aux conditions de travail. Dans un suicide, il y a toujours un facteur déclenchant ; mais il y a également des réalités profondes, et les conditions de travail en font partie : c'est pourquoi nous avons pris cet engagement.

S'agissant des heures supplémentaires, nous honorons cette année, pour la première fois, une dette contractée à partir de 2005, qui s'est aggravée avec la baisse massive des effectifs dans la police et qui, suite à la doctrine adoptée après les attentats de 2015, a fini par générer un compteur d'heures supplémentaires qui tendait vers l'infini. Pour la première fois, 50 millions d'euros ont été dégagés à la fin du présent exercice, afin qu'une première partie de la dette principale soit payée en décembre. Toujours pour la première fois, ce sont également 26,5 millions d'euros qui ont été inscrits au budget pour 2020, afin d'éviter une reconstitution du stock d'heures supplémentaires ; l'encadrement du compteur nous y aidera.

Telles sont les réponses concrètes que nous souhaitons apporter – à M. Peu, en particulier, qui m'interrogeait sur le sujet – pour faire face à nos responsabilités. En effet, ces heures supplémentaires sont une charge de travail qui pèse sur les policiers, et que nous nous devons d'honorer. Je suis fier d'être le premier ministre de l'intérieur à tenir son engagement à ce sujet.

En outre, le budget permettra de conforter nos politiques d'emploi et de poursuivre le plan immobilier. Ainsi, 193 millions d'euros seront consacrés à des projets importants déjà validés et que beaucoup d'entre vous connaissent. S'y ajouteront 115 millions d'euros destinés au nouveau siège de la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – , portant ainsi à près de 310 millions d'euros l'investissement dans l'immobilier pour la police. C'est un montant qui n'a jamais été atteint ces dernières années. Suffit-il à résoudre tous les problèmes ? Non, mais c'est une sacrée marche, qui mérite d'être soulignée.

Nous avons également prévu 55 millions d'euros pour l'achat de 2 500 véhicules neufs en 2020 – pour vous donner un ordre de grandeur, c'est 25 % de plus que ce que nous connaissions jusqu'en 2017.

Enfin, des moyens spécifiques seront consacrés au plan national de lutte contre les stupéfiants et à l'équipement des forces de sécurité intérieure chargées du maintien de l'ordre public. Bien entendu, il faut comparer notre budget à périmètre constant, sans quoi nous serions de mauvaise foi : monsieur Peu, monsieur Diard, je ne peux pas laisser dire que le budget de fonctionnement de la police diminue de 16 %, car chacun sait qu'à périmètre constant, ce n'est pas le cas.

De même, l'augmentation résolue des crédits de la gendarmerie nationale – 5,5 milliards d'euros, soit 82,6 millions d'euros supplémentaires – est consacrée en priorité à la solde. Par ailleurs, 490 emplois supplémentaires seront créés et le budget de fonctionnement et d'investissement est en hausse, même si celle-ci reste légère. Ce budget permettra de consacrer près de 100 millions d'euros à l'investissement, et ainsi d'accompagner quarante-sept opérations nouvelles.

Comme pour la police, les véhicules sont une priorité pour la gendarmerie nationale. J'ai ainsi demandé que les efforts se portent sur l'acquisition de 2 000 nouveaux véhicules.

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