Intervention de Thomas Gassilloud

Séance en hémicycle du mercredi 30 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Gassilloud, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Pour la troisième année consécutive, j'ai l'honneur de vous présenter mon avis sur le budget de l'armée de terre. Cette année encore, j'ai étroitement associé à mes travaux Sereine Mauborgne, députée du Var, que je remercie pour son implication.

Le budget pour 2020 est conforme à la trajectoire ambitieuse fixée par la LPM. La hausse des crédits permettra à l'armée de terre de poursuivre la régénération de son capital opérationnel et de préparer l'avenir, comme nous avons déjà eu l'occasion de le détailler en commission. Notre avis est donc favorable et nous vous remercions, madame la ministre, pour votre engagement quotidien au profit des forces. Hier encore, vous étiez en Estonie, où vous avez assisté à une manoeuvre interarmes, conduite par l'armée de terre française, dans le cadre de l'opération Lynx.

Cette année, Sereine Mauborgne et moi-même avons souhaité approfondir notre réflexion sur le rôle des réserves opérationnelles.

Dès son origine, notre République s'est conçue comme une « nation en armes », se battant pour son idéal de liberté et d'égalité. Au début des années 2000, la professionnalisation des armées et la suspension de la mobilisation de masse ont transformé les réserves en un acte volontaire d'engagement au profit de la défense nationale. Puis, une remontée en puissance des réserves a été opérée après les attentats de 2015. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit ainsi 100 millions d'euros pour les réserves de l'armée de terre, soit plus du double des 46 millions alloués en 2015.

À ce jour, la réserve opérationnelle de premier niveau de l'armée de terre, dite RO1, est constituée de 24 000 hommes, soit plus de la moitié des 40 000 réservistes des armées. Ces militaires à temps partagé effectuent, en moyenne, quarante jours d'activité chaque année. La RO1 est désormais intégrée aux armées, qui ne sauraient plus fonctionner sans elle. Chaque jour, 4 000 réservistes sont employés, notamment pour protéger le territoire national. C'est un réserviste, par exemple, qui a neutralisé le tueur au couteau de la gare Saint-Charles à Marseille et, lors de l'attentat de Strasbourg, l'état-major tactique était armé par des réservistes. À la RO1, il faut ajouter la RO2, composée par les anciens militaires d'active, environ 30 000 hommes, qui ont une obligation de disponibilité pendant cinq ans.

Vingt ans après la professionnalisation des armées, l'évolution du monde comme celle de notre société nous commandent d'aller plus loin dans le développement des réserves. En effet, nos armées sont taillées au plus juste en termes d'effectifs et d'équipements. Ces derniers sont certes plus technologiques et plus efficaces, mais ils sont aussi plus onéreux et donc moins nombreux. L'avenir est incertain et, que ce soit pour faire face à un conflit majeur, où la technologie montrera sans doute ses limites, ou à un événement climatique ou technologique d'ampleur dans notre territoire, les réserves offrent une capacité de remontée en puissance rapide.

Par ailleurs, dans un contexte où nos armées sont confrontées à des difficultés de recrutement et de fidélisation, la réserve offre un statut qui répond aux aspirations d'une partie de la jeunesse, qui souhaite s'engager à temps partagé. Elle est un élément fondamental du lien entre l'armée et la nation, et facilite le recrutement de militaires d'active, car chaque réserviste est un ambassadeur. Chaque année, environ 400 réservistes de l'armée de terre vont même jusqu'à s'engager à temps complet – la réserve est alors un sas avant l'engagement dans l'active. Elle contribue, par ailleurs, à la fidélisation de l'ensemble du personnel militaire, car toute mission effectuée est du temps gagné dont les soldats d'active bénéficieront pour s'entraîner davantage ou passer un peu plus de temps en famille. La réserve est donc un outil de recrutement et de fidélisation pour l'ensemble des forces.

Par ailleurs, la réserve est plus féminisée que l'active et permet aux armées de disposer de compétences développées dans le civil – médecins, linguistes, ingénieurs cybers, juristes. Elle offre de l'agilité pour mener à bien des projets dans un monde toujours plus complexe et en perpétuelle évolution.

Enfin, au-delà d'une réponse aux besoins opérationnels des armées, la réserve contribue à la cohésion et à la résilience de la société, dont la fragmentation représente l'une des menaces les plus importantes pour la défense nationale. Le service national universel – SNU – constitue une première réponse, mais il faudrait l'articuler avec le développement de la réserve : par nécessité, d'abord, afin de disposer d'un nombre suffisant de profils d'encadrement disposant d'une culture militaire, même s'ils seront employés sous un statut de l'éducation nationale ; ensuite, parce que la réserve représente un débouché pertinent pour le SNU. Je propose d'ailleurs qu'une formation destinée à servir dans la réserve puisse compter au titre du SNU.

Le Premier ministre partage cette ambition pour la réserve. Le 18 octobre, à l'Institut des hautes études de défense nationale, il nous a fait part de ses attentes : « Nous pourrions réfléchir aux moyens de faciliter le recrutement et la conciliation avec la vie familiale et professionnelle [… ] et de faire valoir l'intérêt des missions et des responsabilités confiées à ceux qui les exercent dans la vie professionnelle ».

En effet, si le budget dédié aux réserves a nettement augmenté depuis 2015, beaucoup de points restent à améliorer quant au statut du réserviste, à son emploi opérationnel et à la bonne articulation avec sa vie civile. Notre rapport formule des propositions concrètes à ce sujet, mais il n'est qu'une modeste contribution à une réflexion qu'il convient désormais d'approfondir et d'élargir à l'ensemble des forces armées, voire de sécurité intérieure. Le bilan d'étape de la LPM en 2021 sera une excellente occasion d'intégrer les dispositions nécessaires, en complément de celles adoptées en 2018. Ainsi, nous ajouterons aux moyens exceptionnels de la LPM une possibilité de remontée en puissance, tout en contribuant davantage à la résilience de la nation.

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