Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du mercredi 30 octobre 2019 à 15h00
Condamnation de l'offensive militaire turque dans le nord-est syrien — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

C'est sur le fondement d'un large consensus que nous sommes réunis aujourd'hui dans cet hémicycle – c'est assez rare pour être souligné et cela témoigne de l'importance du moment.

Initiée par la présidente de la commission des affaires étrangères, Marielle de Sarnez, la proposition forte de condamner l'offensive militaire turque dans le Nord-Est syrien a été reprise par tous les groupes de cette Assemblée.

Il était en effet urgent que nos alliés kurdes sachent que la France, par la voix de sa représentation nationale, est consciente du drame qu'ils vivent et que notre pays ne les laissera pas tomber.

Les Occidentaux ont une dette morale vis-à-vis du peuple kurde qui, rappelons-le, s'est battu pour défaire militairement l'État islamique. Le président du groupe UDI, Agir et indépendants, Jean-Christophe Lagarde, qui est aussi président du groupe d'études sur les Kurdes, avait rappelé, le 15 octobre dernier dans cet hémicycle, ce que la France devait à ces combattants de la liberté.

Ce sont, en effet, les Kurdes qui ont le plus payé le prix du sang ; ce sont eux qui étaient en première ligne sur le front ; ce sont eux encore qui ont pansé les blessures de leurs combattants et les souffrances morales des familles endeuillées. Malgré cette dette morale qui engage l'Occident, nos alliés kurdes ont lâchement été sacrifiés sur l'autel d'intérêts politiques.

Affaibli économiquement et fragilisé politiquement, Recep Tayyip Erdogan agite la menace terroriste pour se maintenir au pouvoir. Sous ce prétexte, le président turc fait fi de la démocratie et peut demain décider, comme bon lui semble, de remplacer les maires kurdes démocratiquement élus par des fonctionnaires nommés par son parti.

Le président turc s'arroge également le droit d'envahir un pays voisin afin d'y massacrer, avec l'aide de ses supplétifs terroristes, des populations entières au motif que leur seule présence constituerait une menace impérieuse pour la sécurité et la pérennité de la Turquie.

Du côté américain, aveuglé par des calculs électoraux boiteux et court-termistes, le président Trump a trahi et lâché son plus fidèle allié, oubliant que le peuple kurde était le seul levier stratégique dont il disposait dans la région. Par ses tergiversations, le président américain a consenti au lancement de l'opération militaire turque et, dès lors, au massacre inévitable des Kurdes. Même si, en apparence, des sanctions ont été prononcées contre des officiels turcs et une trêve de 5 jours a été décidée, la faiblesse des actes américains n'aura eu pour seul résultat que d'entériner un état de fait, conforme à la volonté d'Ankara. La forfaiture du président américain, tout en détériorant profondément la valeur de la parole de son pays, a compromis les éventuelles alliances militaires que les États-Unis pourraient nouer dans le futur.

Mais l'Europe n'a pas fait mieux. Face à ces abandons successifs, elle aurait dû prendre ses responsabilités et agir immédiatement pour aider ses alliés kurdes. Dès le lancement de l'opération, elle aurait dû imposer une zone d'exclusion aérienne pour protéger les populations des bombardements de l'aviation turque. En tant que principal importateur de produits turcs, elle aurait dû utiliser le levier économique pour forcer la Turquie à se retirer de Syrie. Les pays de l'Union européenne, membres de l'OTAN, auraient également dû faire pression pour exiger la suspension de la Turquie de l'Alliance atlantique. Malheureusement, l'Union européenne, géant économique, demeure un nain politique. Ses États membres ont été incapables d'imposer un simple embargo européen sur les ventes d'armes à la Turquie. Sachant que le régime turc achète à la fois du matériel militaire russe et participe à des programmes d'armement militaires américains, la pertinence d'une telle sanction peut toutefois être mise en doute.

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