Intervention de Josiane Corneloup

Séance en hémicycle du vendredi 25 octobre 2019 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Article 34

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJosiane Corneloup :

L'article 34 prévoit un lourd dispositif destiné à pallier les pénuries de médicaments. Il renforce les mécanismes existants de prévention et de lutte contre les ruptures de stocks de médicaments, notamment en imposant aux entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments de constituer un stock correspondant à quatre mois de couverture du marché national.

L'objectif est tout à fait louable, car les ruptures d'approvisionnement des médicaments constituent un problème de santé publique préoccupant, pouvant entraîner une perte significative de chance pour les patients, et mettant parfois en jeu leur pronostic vital. Toutefois, il semble irréaliste d'imposer la constitution d'un stock de sécurité dédié à la France pour l'ensemble des médicaments, sans considération de leur mode de remboursement. Il paraît donc nécessaire de se limiter à une liste de médicaments définis en concertation avec les acteurs du marché.

La mesure pose également des problèmes de production et de stockage. En particulier, la gestion des stocks va représenter un coût élevé pour les entreprises, surtout si aucune garantie n'est prévue quant à l'écoulement des médicaments.

Enfin, il me paraît indispensable d'exclure deux produits du champ de l'obligation de constituer un stock de sécurité. Les vaccins d'abord, compte tenu des spécificités de leur production du point de vue des délais, de la sécurité et de la qualité, lesquelles conduisent à devoir anticiper de trois à cinq ans les futurs besoins, liés à l'évolution de la demande mondiale. La mesure entraînerait une augmentation des volumes de production de vaccins pour le marché français allant jusqu'à 30 %, ce qui pourrait mettre en difficulté les sites de production concernés et nuire à l'accès aux vaccins en France et dans les autres pays de l'Union européenne notamment.

Seconds produits à exclure, les médicaments dérivés du plasma. Les entreprises pharmaceutiques qui les produisent font déjà l'objet d'une vigilance spécifique quant à la constitution de stocks de sécurité, en lien avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Alors que l'approvisionnement de la matière première connaît de fortes tensions, ces entreprises peuvent se trouver dans l'incapacité matérielle de constituer des stocks de sécurité correspondant à quatre mois de couverture des besoins.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 34 constitue donc une réponse inadaptée pour résoudre rapidement une problématique complexe, multifactorielle, mondiale et impliquant l'ensemble des acteurs de la chaîne d'approvisionnement. Il me semble judicieux d'attendre les conclusions – prévues dans un délai de trois mois – de la mission confiée à M. Jacques Biot visant à procéder à l'analyse des causes profondes de la situation, notamment en matière de choix industriels, avant de mettre en oeuvre des solutions non pérennes qui pourraient aggraver la problématique des pénuries et compromettre de ce fait la sécurité sanitaire, d'autant plus qu'elles ne prennent pas en compte la dimension européenne, essentielle en ce domaine. Il est de toute façon illusoire de penser que cette solution puisse être pérenne sans concertation préalable avec l'ensemble des acteurs de la chaîne d'approvisionnement, comme le prévoit la feuille de route de Mme la ministre des solidarités et de la santé annoncée en juillet dernier.

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