Intervention de Michèle Peyron

Séance en hémicycle du mardi 8 octobre 2019 à 15h00
Bioéthique — Article 20

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Peyron :

Je voterai contre ces amendements. J'ai subi une IMG, décidée après cinq mois de grossesse, et je peux vous assurer que l'on a le temps de se préparer à cet acte lorsqu'une trace symétrique est décelée sur la tête de l'enfant à quatre mois de grossesse. L'échographie de contrôle, effectuée un mois plus tard, a révélé l'augmentation des taches. Le radiologue de Hyères-les-Palmiers m'a dit qu'il ne pouvait plus m'aider et m'a pris un rendez-vous à l'hôpital de la Timone à Marseille avec le professeur Jean-François Mattei, qui est devenu plus tard ministre de la santé. Quarante-huit heures plus tard, j'étais à la Timone devant M. Mattei et son équipe – point très important – pour pratiquer une échographie de contrôle – cet hôpital étant beaucoup mieux équipé pour effectuer ces examens – , puis une amniocentèse.

En 1987, le délai était de trois semaines. Vous avez le temps de réfléchir : j'attendais mon premier enfant, mais le papa et moi avons cheminé, et avons préparé les trois enfants qu'il avait eus d'un premier mariage, parce qu'ils étaient très jeunes. J'ai appris la sentence par mon gynécologue et suis repartie à la Timone. Le professeur Mattei et son équipe m'ont demandé, ainsi qu'au papa qui était derrière moi : « Que fait-on ? ». Ils nous ont indiqué que l'enfant, atteint d'une trisomie 18, allait vivre quelques semaines ou quelques mois.

Je m'étais déjà préparée : avant la sentence – à l'époque, j'ai pris le diagnostic pour une sentence – , j'étais partagée, dans ma tête, à 50 % pour une IMG et à 50 % pour garder l'enfant ; puis j'ai choisi l'IMG. J'ai accouché par les voies naturelles, mais mon bébé avait été piqué dans mon ventre ; les contractions ont été provoquées, car je n'étais pas au terme de ma grossesse, puis j'ai attendu quatre heures que mon bébé décède. Pendant ces quatre heures, durant lesquelles il bougeait tout en partant, croyez-moi que vous avez le temps de réfléchir. Une psychologue et une équipe m'ont ensuite prise en charge, puis l'Institut national de la santé et de la recherche médicale – INSERM – a effectué une enquête ; cinq mois plus tard, j'ai su que cette trisomie était accidentelle et non génétique.

J'ai ensuite fait deux magnifiques enfants. Pour ma fille, née deux ans plus tard, j'ai refusé de pratiquer une amniocentèse, parce que je la sentais viable. C'était pour moi une revanche. Chaque maman et chaque parent effectuent un cheminement qui leur est propre. J'ai eu le temps de penser à ma décision, et une semaine supplémentaire aurait été de trop. On attend une semaine, quinze jours, trois semaines, un mois, le temps passe, l'enfant grandit, et arrive un jour où il faut décider. J'ai pris ma décision le 16 juillet et j'ai mis au monde le 18 juillet, le temps que les contractions apparaissent, une petite fille, Léa. Voilà mon histoire, qui me conduit à m'opposer à ces amendements. On a le temps de décider et on est entouré – l'équipe médicale ne se contente pas de vous donner des statistiques.

Évidemment que le dispositif permettra de réaliser des économies ! Je vous le dis alors que j'ai perdu un enfant. Mon enfant aurait vécu quelques semaines ou quelques mois dans d'atroces souffrances avant de décéder ; il n'aurait pas quitté l'hôpital, ce qui aurait entraîné des dépenses publiques, je suis désolée de vous le dire, monsieur Hetzel. On n'a pas besoin de savoir si cela coûte ou non de l'argent à la société ; on a besoin de se reconstruire après un tel événement. Une fois la décision prise, il faut se reconstruire, l'équipe médicale aidant à cette construction. Mon expérience date de 1987, et les choses n'ont pu que s'améliorer depuis lors.

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