Intervention de Edouard Philippe

Séance en hémicycle du mardi 1er octobre 2019 à 15h00
Questions au gouvernement — Droits voisins des droits d'auteur

Edouard Philippe, Premier ministre :

Comme vous le savez, le Parlement européen a voté en mars dernier une directive historique sur le droit d'auteur, qui vise à reconnaître et à défendre dans toute l'Europe le rôle et la valeur de la création, intellectuelle ou artistique, dans l'univers numérique. En pratique, elle reconnaît aux auteurs, mais aussi aux éditeurs et agences de presse, le droit à une juste rémunération pour leurs articles. Ces derniers sont bien souvent utilisés par les plateformes, auxquelles ils rapportent des revenus importants.

La France a été le premier État à transposer cette directive. Grâce à votre appui notamment, et sous l'impulsion conjointe des députés et des sénateurs, la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse est entrée en vigueur le 25 juillet dernier.

Après s'être mobilisée activement contre le projet de directive, la société Google a lancé la semaine dernière un nouvel outil de publication pour les éditeurs. Or cet outil a été configuré de telle sorte qu'il ne donne lieu à aucune rémunération des éditeurs et agences de presse. Cette position n'est pas acceptable.

Sur le principe, d'abord, car l'objectif politique poursuivi par la création du droit voisin et sa traduction dans la loi sont très clairs : permettre un juste partage de la valeur produite, au bénéfice des plateformes, par les contenus de presse.

Sur la forme, ensuite, car la démarche retenue par la directive et la loi consiste à renvoyer à la négociation entre les acteurs la fixation des modalités de rémunération des éditeurs et des agences de presse. Imposer ainsi les règles du jeu de façon unilatérale et ne laisser aucune place à la négociation est contraire à l'esprit et à la lettre de la directive.

Plus largement, et au-delà de la question du droit voisin, il n'est pas compréhensible pour nos concitoyens qu'un acteur, aussi puissant soit-il – en l'occurrence, il est très puissant – , puisse modifier les règles d'utilisation pour contourner une obligation légale. Ce comportement soulève une question juridique, mais aussi une question éthique grave.

Peut-être faut-il espérer, monsieur le député, que cette démarche de Google traduit une erreur d'appréciation et non une volonté d'engager une épreuve de force avec la France et l'Europe. Peut-être faut-il espérer que Google entame une négociation avec les éditeurs et les agences de presse, comme M. le ministre de la culture l'y a invitée aujourd'hui. Quant à la presse, elle doit s'unir pour faire reconnaître ses droits dans cette discussion.

Nous savons tous que c'est une réponse européenne qui doit s'imposer. C'est à l'Europe d'engager un bras de fer, le cas échéant. Étant les premiers à avoir transposé la directive, nous sommes les premiers confrontés à cette question, mais celle-ci se posera à l'ensemble des pays européens. L'espace de droit et de liberté que nous souhaitons bâtir ensemble est menacé dans ce domaine. Nous ne souhaitons pas agir dans un esprit de frilosité mais de promotion de la diversité culturelle et du pluralisme.

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