Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du mercredi 18 septembre 2019 à 15h00
Accord avec la suisse sur l'organisation européenne pour la recherche nucléaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

À la fin des années quarante, alors que les pays d'Europe de l'Ouest, qui se relèvent à peine de leurs cendres, craignent d'accumuler du retard sur les Américains et l'URSS dans les domaines scientifiques et technologiques majeurs, quelques scientifiques audacieux ont l'idée de créer un laboratoire de physique européen.

La proposition est formalisée en 1949 par Louis de Broglie lors de la conférence européenne de la culture, à Lausanne. Il est immédiatement soutenu par plusieurs de ses pairs, dont le prix Nobel de physique Isidor Rabi. Avant le début du printemps 1952, le Conseil européen pour la recherche nucléaire, le CERN, voit le jour, grâce à un accord ratifié par onze pays dont la France. L'Organisation européenne pour la recherche nucléaire est formellement créée le 29 septembre 1954. Son premier accélérateur, le Synchrocyclotron, est construit trois ans plus tard en Suisse ; il développe une énergie modeste de 600 méga-électronvolts et tient dans un bâtiment.

La première grande machine du CERN, le Synchrotron à protons, est lancée à la fin de l'année 1959. D'une circonférence de 628 mètres, elle peut générer 600 giga-électronvolts pour l'accélération des particules. Elle a rendu possible l'expérimentation de champs de la physique qui jusque-là relevaient de la théorie.

Le Supersynchrotron à protons, lancé en 1976, avec ses 7 kilomètres de long et sa puissance de 450 giga-électron-volts, a rendu possible des expériences sur l'antimatière. Il deviendra le premier collisionneur proton-antiproton au monde. C'est grâce à cette formidable machine que des scientifiques ont pu découvrir les bosons W et Z, en janvier 1983.

Cette année-là débute le chantier du Grand collisionneur électron-positon, LEP. Enterré à 100 mètres de profondeur dans un tunnel d'une circonférence 27 kilomètres, principalement implanté dans le sous-sol français, le LEP devient le plus grand accélérateur de particules jamais construit.

Des travaux entrepris à partir de 1999 permettent d'installer dans le tunnel du LEP le grand collisionneur de hadrons – LHC – , qui est l'instrument scientifique le plus complexe jamais construit, capable de propulser dans le vide des particules à une vitesse quasi identique à celle de la lumière. Il remplace désormais le LEP. J'ai eu personnellement la chance de visiter ces installations lors d'un de mes déplacements au CERN à Genève. Le LHC permet de produire en quantité et surtout de mesurer des atomes d'antihydrogène. Il a permis de réaliser les premières collisions à haute énergie au printemps 2010. Deux ans plus tard, une série d'expériences a mis en évidence l'existence d'une nouvelle particule, qui s'avérera être le fameux boson de Higgs.

Si j'ai souhaité commencer par vous rappeler l'historique du CERN, c'est parce qu'il s'agit véritablement d'une épopée scientifique internationale unique en son genre. Les bénéfices des recherches fondamentales menées dans ce laboratoire depuis sa création sont incommensurables pour notre civilisation et l'humanité tout entière, et leurs applications pratiques sont nombreuses, comme le mentionne notre collègue M. Bruno Fuchs dans son rapport.

L'implantation du CERN entre la France et la Suisse a permis le développement de nombreuses collectivités locales.

Le laboratoire emploie 2 500 personnes et accueille près de 12 000 scientifiques du monde entier, tandis que ses entreprises sous-traitantes comptent plusieurs milliers de salariés.

La France est le troisième contributeur au budget du CERN, qui s'élève à quelque 1,3 milliard d'euros annuels. En contrepartie, les retombées économiques de ce laboratoire pour notre pays sont estimées à 500 millions d'euros par an, soit trois à quatre fois le montant que nous lui dédions.

L'équipement qui doit remplacer le LHC est le FCC, un outil scientifique colossal dont la circonférence avoisinerait 100 kilomètres. Il permettra d'obtenir une énergie de collision de 100 tera-électronvolts, à comparer aux 14 tera-électronvolts du LHC actuel. Parmi les scientifiques des 150 universités qui collaborent à ce projet, certains sont convaincus que cette machine nous donnera accès à des dimensions insoupçonnées de l'univers et permettra de bâtir une physique nouvelle, jusqu'alors inconnue des modèles standards.

Il est capital que le CERN conserve la très nette avance scientifique qu'il a prise sur les autres laboratoires de recherche dans la physique des particules. Ayons à l'esprit que la Chine a déjà lancé son propre chantier de collisionneur géant, d'une longueur de 50 à 100 kilomètres.

C'est pourquoi nous, députés du groupe La France insoumise, attachés à l'idée de propulser notre pays aux frontières de l'humanité – comme nous le développons dans notre projet « L'avenir en commun » – , soutiendrons ce projet d'accord. Nous invitons le Gouvernement à anticiper les investissements nécessaires à la réalisation du FCC, afin que notre pays, par son attachement au progrès scientifique et technologique, contribue au bien-être de l'humanité.

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