Intervention de M'jid El Guerrab

Séance en hémicycle du mercredi 18 septembre 2019 à 15h00
Création du centre national de la musique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaM'jid El Guerrab :

Voilà presque deux ans que le rapport de M. Roch-Olivier Maistre donnait une dimension nouvelle à la longue réflexion initiée sur le projet de « maison commune de la musique ». En janvier dernier, celui de M. le rapporteur Pascal Bois et de notre collègue Émilie Cariou venait ajouter sa pierre à l'édifice. Au sein du groupe Libertés et territoires, nous nous félicitons d'assister enfin à l'aboutissement de cette réflexion dans notre assemblée.

Notre manière d'écouter, de diffuser et même de créer la musique a connu de grands changements : ne soyons plus spectateurs impuissants d'une révolution numérique qui bouleverse notre consommation et nos habitudes, jusque dans nos gestes les plus quotidiens. Face à ce bouleversement, nous devons être actifs, inventifs, et non passifs. Malheureusement, nous ne sommes pas suffisamment acteurs de cette transition, et les artistes sont les premiers à pâtir de cette situation.

Il suffit de regarder la répartition de la valeur ajoutée. Certes, les plateformes de streaming ont donné un souffle nouveau à une industrie du disque en crise, mais au profit de qui ? Principalement des plateformes elles-mêmes. C'est cette tendance que nous devons inverser.

Attention, cependant : nos objectifs ne doivent pas être seulement économiques. Au-delà de l'économie et des chiffres, la création du CNM est l'occasion pour la France de proposer une vision et une politique culturelle qui fassent rayonner sa musique en France et à l'international.

Le groupe Libertés et territoires tient à rappeler les trois principes qui doivent guider notre politique en faveur de la musique. Il faut avant tout reconnaître la diversité intrinsèque de notre écosystème musical. L'Assemblée nationale avait consacré le soutien à la création artistique et la promotion des variétés ; nous remercions le Sénat d'avoir ajouté aux missions du CNM la garantie de la diversité musicale, dans le respect de l'égale dignité des répertoires.

Le deuxième aspect concerne le rayonnement culturel de la France et de la langue française à travers le monde. En ce sens, il était utile d'insister sur l'ambition internationale du CNM. Nous pouvons en effet nous réjouir, car jamais la chanson tricolore n'a été aussi populaire en dehors de nos frontières. Pourtant, nous devons poursuivre nos efforts : dans un courrier récemment adressé à M. le ministre de la culture, de nombreuses radios ont demandé que la réforme de l'audiovisuel assouplisse certaines règles, notamment concernant les quotas de chansons françaises.

Nous serons donc attentifs à cette réforme qui fera prochainement l'objet de nos discussions. Car la diffusion de la musique française, francophone ou non – je pense notamment aux langues régionales – et son exposition dans les médias, sont des conditions essentielles de son succès.

Le dernier principe concerne la nécessaire ambition de notre politique territoriale culturelle. Cela suppose notamment des partenariats avec les collectivités et les acteurs locaux ; le regroupement des actions en un centre unique ne doit pas être synonyme de concentration. Les déserts culturels sont malheureusement trop nombreux en France : le CNM doit permettre d'offrir un égal accès à la musique à tous les citoyens, partout sur le territoire.

Là encore, remercions le Sénat d'avoir renforcé la mission de développement territorial du CNM, notamment en offrant aux collectivités territoriales la possibilité d'intégrer le conseil professionnel.

Mes chers collègues, nous sommes tous d'accord pour dire que cette proposition de loi va dans le bon sens, mais des interrogations subsistent.

L'une d'elles concerne la composition du conseil d'administration – nous ne savons toujours pas qui sera représenté – , alors même ce conseil déterminera le fonctionnement et l'orientation du CNM.

Mais la principale inquiétude concerne évidemment le financement, estimé à 20 millions d'euros, que vous avez renvoyé au prochain projet de loi de finances. Puisque nous sommes à la veille de son dépôt, soyez assurés que nous serons attentifs à cette question.

Vous proposez a priori un système de redistribution par l'intermédiaire d'une taxe affectée, prélevée sur les recettes du secteur. Très bien. Mais nous ne pourrons pas faire l'impasse sur de nécessaires compléments de financement, dans la mesure où le CNM disposera de nouvelles missions.

Le groupe Libertés et territoires votera la proposition de loi avec enthousiasme.

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