Intervention de Jean Lassalle

Séance en hémicycle du mardi 23 juillet 2019 à 15h00
Modernisation de la distribution de la presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Lassalle :

Indiscutablement, le texte cherche à moderniser un système ancien – tout le monde l'a dit – et à l'adapter à notre temps.

Compte tenu de l'évolution de la presse et de la distribution ainsi que du faible nombre de clients dans les lieux de vente, parfois une seule personne doit s'occuper de tout, et c'est difficile.

Je souscris à la volonté d'améliorer le système – comment pourrait-on ne pas le faire ? Mais, voyez-vous, monsieur le ministre, depuis une trentaine d'années, je n'ai plus confiance dans les initiatives qui sont prises.

Après l'état des lieux que vous dressez et que je pourrais partager, j'aurais apprécié que l'État incite, à partir de la base, tous les distributeurs à se réorganiser dans l'esprit d'indépendance et de liberté qui, depuis 1947, a présidé à la diffusion de tous les titres.

Malheureusement, puisque nous ne pouvons pas anticiper les effets d'une loi qui n'a pas encore été votée, j'évoquerai plutôt les textes ayant été votés ou plutôt décrétés, et qui ont abouti à la situation actuelle dans le secteur de la presse et de l'édition. Une fois de plus, c'est une opération de gigantisme. Celui qui ne pouvait avoir de prise pour des raisons financières ou démographiques se retrouve dans une toile d'araignée dans laquelle il n'aura plus son mot à dire. Plutôt que l'ARCEP, j'aurais préféré que l'État mette la main à la poche – quand on greffe un pommier, on garde la racine puis on y installe une griffure, l'arbre repart et l'esprit du pommier est respecté.

J'ai peur que nous nous heurtions au maquis qui entoure M. Macron, comme il entoura hier M. Hollande ou M. Sarkozy, encore qu'on fît grand bruit au sujet de ce dernier alors qu'il ne comptait dans son entourage que Vincent Bolloré – j'analyse seulement les faits. Le Président de la République a été porté au pouvoir par Patrick Drahi ; par Alain Weill dont chacun sait les attributions : par Arnaud Lagardère que tout le monde connaît ; par Bernard Arnault, quatrième fortune mondiale et son gendre, le bienheureux Xavier Niel, lequel, par bonheur, possède Le Monde dont les journalistes sont obligés de consacrer trois lignes par semaine à affirmer la liberté dont ils prétendent bénéficier – Hubert Beuve-Méry doit se retourner dans sa tombe, quand on connaît la liberté de conscience de Xavier Niel et son passé même récent. Je n'oublie pas M. Bolloré, qui, grâce à Vivendi, possède la plupart des grandes maisons d'édition – Le Cherche midi, Bordas, Nathan, Le Robert – et que dire du fiston, Yannick ?

Les sept noms que je viens de citer détiennent 90 % de la presse nationale. Il reste France Télévisions qui, compte tenu de son attitude actuelle, peut être comparée à l'agence Tass et à la Pravda réunies, c'est-à-dire entièrement au service du pouvoir. C'est la raison pour laquelle je crains que les dispositions du projet de loi ne nous conduisent encore un peu plus à la confiscation du débat politique dont nous avons tant besoin dans notre pays.

Mes chers collègues, prudence, nous avons déjà payé trop cher, j'ai payé considérablement, car je suis isolé, je suis un OVNI perdu qui a eu le tort de dénoncer la situation.

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