Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du mardi 23 juillet 2019 à 15h00
Modernisation de la distribution de la presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Ce projet de loi touche à un secteur essentiel à la démocratie puisqu'il s'y agit du pluralisme et du libre accès des citoyens à des informations et à des analyses diversifiées.

Vous le savez, la liberté de la presse est le fruit de conquêtes successives qui se confondent souvent avec l'histoire de notre démocratie. En 1789, l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen fait de « la libre communication des pensées et des opinions [… ] un des droits les plus précieux de l'homme ».

Cette liberté, il a fallu aussi lui assurer un cadre juridique sécurisé. C'est la loi de 1881 qui a défini les règles essentielles sur lesquelles repose encore aujourd'hui le fonctionnement de la presse. Au sortir de la guerre et de l'Occupation, la fameuse loi Bichet a instauré des mesures fortes concernant les moyens matériels, d'impression et de distribution et pour assurer l'équité de l'accès au service.

Aujourd'hui, les mutations en cours des habitudes des consommateurs, la diminution des ventes au numéro et la progression de la presse numérique rendent nécessaire l'émergence d'un modèle plus efficace du point de vue de la logique commerciale. Il faut aussi renforcer la régulation du système coopératif de distribution de la presse papier, ce qui suppose une réforme sans doute indispensable à la survie du secteur.

La loi Bichet a fondé la distribution de la presse sur un principe coopératif de solidarité entre les éditeurs et entre la presse quotidienne et les magazines, dont découlaient des tarifs postaux spécifiques et l'application d'un taux réduit de TVA. Malgré cet environnement favorable, le secteur est aujourd'hui en difficulté. La coopérative Presstalis, acteur majeur de la distribution quotidienne, court sans cesse après l'équilibre et le dispositif de régulation doit être revu en profondeur, d'autant que les régulateurs sont parfois juges et partie.

Je salue le travail de notre rapporteur, Laurent Garcia, avec qui j'avais mené une mission d'évaluation de la loi du 17 avril 2015 ; les choses ont bien avancé depuis. Quant au rapport de Marc Schwartz, il a mis en lumière les difficultés du système actuel. Le projet de loi vise, dans la logique de ces travaux, à moderniser le système de distribution des journaux. Comme nous l'avions proposé, il fait de l'ARCEP le seul régulateur à la place du Conseil supérieur des messageries de presse et de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse – instance modeste qui ne pèse pas suffisamment pour réguler le secteur – , y compris pour la partie numérique dont les kiosques seront désormais soumis aux mêmes obligations que les marchands de journaux. Nous souhaitons que cette évolution fasse rapidement l'objet d'une évaluation et d'un rapport précis, notamment en ce qui concerne le système informatique, à l'origine de nombreuses difficultés.

Autre proposition bienvenue : afin de limiter les invendus, les marchands de journaux bénéficieront d'une marge de manoeuvre, négociée avec la filière, pour la vente des titres hors presse d'information politique et générale. Il va falloir en outre définir les conditions d'instauration d'une aide à la modernisation des points de vente de presse – c'est le sens de l'un de nos amendements – , et préciser la manière dont s'opérera le passage d'un système à l'autre : la période transitoire est assez longue et l'on ne comprend pas très bien comment l'on pourra éviter les déficits, qui sont un élément du problème, tout en mettant sur pied le nouveau système.

Le groupe Socialistes et apparentés, sensible à la crise actuelle qui fragilise beaucoup les revendeurs de presse, et souhaite que l'équité tarifaire soit assurée quel que soit le mode de distribution choisi – abonnement ou vente au numéro.

À nos yeux, le texte permet des avancées utiles et offre de solides garanties pour préserver le pluralisme, mais ne peut pas résoudre le problème de fond posé par l'effondrement des ventes papier et la multitude des intérêts contradictoires en présence. L'enjeu est aujourd'hui de réformer la loi Bichet sans fragiliser ses acquis, car la liberté de la presse et la conscience citoyenne de notre peuple doivent beaucoup à son système subtil qu'il convient donc de réformer avec beaucoup de doigté. Nos débats nous diront si le point d'équilibre aura été atteint.

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