Intervention de Jean-Yves le Drian

Séance en hémicycle du mercredi 17 juillet 2019 à 15h00
Accords entre l'union européenne et le canada — Présentation

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Le projet de loi sur lequel il vous est demandé de vous prononcer, mesdames, messieurs les députés, vise à autoriser la ratification, par la France, de deux accords permettant de renforcer considérablement nos relations avec le Canada, qui est l'un des dix partenaires stratégiques de l'Union européenne.

Il s'agit, d'une part, d'un accord de partenariat stratégique, et, d'autre part, d'un accord commercial, l'Accord économique et commercial global, l'AECG, plus connu sous son acronyme anglais CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement.

Dans un monde incertain et dangereux, caractérisé par la multiplication et l'intensification des conflits, par le retour des logiques de puissance et par la contestation du système multilatéral, les liens anciens et profonds unissant l'Europe et le Canada nous sont particulièrement précieux. Ils nous permettent de faire face, ensemble, aux défis d'aujourd'hui, au premier rang desquels la remise en cause de l'idée même de coopération internationale, l'urgence climatique et environnementale ainsi que les tensions commerciales menaçant nos économies et notre façon d'être ensemble.

Cette remise en cause et ces tensions procèdent d'une autre approche des défis mondiaux, celle, aujourd'hui adoptée par l'administration américaine, qui conçoit les relations internationales comme une somme de relations bilatérales, exclusivement fondées sur un rapport de forces permanent. En matière commerciale, cette approche repose sur une logique de l'affrontement et du jeu à somme nulle, qui est aux antipodes de notre conception de l'action internationale.

Les deux accords avec le Canada qui vous sont soumis aujourd'hui contribuent à dessiner une solution alternative permettant de répondre à ces défis. Tel est le sens du sommet entre l'Union européenne et le Canada qui se tient en ce moment même, à Montréal, et à l'issue duquel nous réaffirmerons ensemble notre attachement au multilatéralisme et à un ordre international fondé sur les règles, notamment en matière commerciale.

Pour la France et pour l'Union européenne, l'enjeu est important, car la montée de l'unilatéralisme et des affrontements commerciaux nous expose à de fortes menaces.

Sur le plan économique, ces tensions perturbent les flux commerciaux, nuisent à la confiance des investisseurs ainsi qu'à la croissance mondiale et menacent le marché européen de l'écoulement de surcapacités, notamment chinoises. Nous ne sommes pas non plus à l'abri de nouvelles mesures unilatérales américaines contre nos exportations et nos intérêts – citons notamment les contentieux opposant Airbus à Boeing devant l'OMC, l'organisation mondiale du commerce.

En outre, ces tensions alimentent la crise sans précédent du système commercial multilatéral. Celle-ci n'est pas neuve ; elle résulte de l'échec du cycle de Doha. Elle est néanmoins amplifiée par l'attitude américaine, qui répond aux lacunes des règles en vigueur par un blocage du système dans son ensemble. Dans quelques mois, l'Organisation mondiale du commerce ne sera même plus en mesure de faire respecter les règles dont elle est garante, faute d'un mécanisme de règlement des différends fonctionnel, dès lors que les États-Unis bloquent les nominations des juges à son organe d'appel.

Dans ce climat préoccupant, l'AECG est un accord important, qui organise et garantit des échanges commerciaux entre l'Europe et le Canada fondés sur des règles, respectueux des valeurs et des préférences collectives des deux parties. Il participe également – tandis que le multilatéralisme commercial est attaqué de toutes parts – à la mise en place d'un filet de sécurité visant à garantir, dans de bonnes conditions, des débouchés internationaux à notre économie.

D'autre part, il s'agit d'un accord de nouvelle génération, qui traite les enjeux commerciaux conjointement avec les enjeux sociaux et environnementaux, dans une logique de développement durable.

C'est la première fois que nous allons aussi loin dans cette démarche. À l'aune des défis globaux que nous devons relever, une approche cloisonnée des sujets – « en silos », comme on dit – est vouée à l'échec, car elle ne peut que provoquer l'incohérence de nos politiques publiques entre elles. C'est ensemble, dans une perspective globale, que nous devons traiter les questions de commerce, de droits sociaux et d'environnement. C'est précisément ce que l'AECG permet de faire.

Les premières négociations en vue de sa conclusion se sont engagées lors du sommet entre l'Union européenne et le Canada du 6 mai 2009, sur la base de directives de négociation adoptées par le Conseil de l'Union européenne le 27 avril de la même année. Elles se sont achevées cinq ans plus tard, lors du sommet ente l'Union européenne et le Canada du 26 septembre 2014.

Le chapitre huit de l'accord, consacré à la protection des investissements et au règlement des litiges entre les investisseurs et les États, a ensuite été modifié en profondeur, afin de réaffirmer le droit souverain des États de réguler – par exemple en matière de protection de l'environnement – et de réformer le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États, pour le transformer en un mécanisme juridictionnel permettant la résolution des litiges en matière d'investissement.

Je rappelle que la France a mis tout son poids dans la balance pour soutenir cette négociation, s'agissant notamment de la réforme du mécanisme d'arbitrage entre les investisseurs et les États. Il existait des craintes légitimes à ce sujet.

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