Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mardi 2 juillet 2019 à 15h00
Pour une école de la confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

L'école est le bon espace pour cela, car elle peut être, elle doit être l'antidote à la brutalité de la société actuelle et non son miroir.

Cela dit, je vous rejoins sur deux points, monsieur le ministre : il faut commencer dès la maternelle et promouvoir une politique pédagogique adaptée à cette ambition.

Oui, il faut commencer dès la maternelle, pour préparer un terrain favorable à l'acquisition des futurs savoirs fondamentaux, et non pour apprendre à lire vite, le plus vite possible, comme un robot, comme vous le suggérez. L'enfant n'est pas un robot.

Quant à la politique pédagogique, elle est nécessaire mais ne doit pas se fonder uniquement sur ce nouveau joujou des neurosciences qui inspire votre livre orange. Si cette pédagogie permet en effet de déchiffrer en six mois – rentabilité et efficacité obligent – , elle ne soucie pas du savoir-lire, et encore moins du plaisir de lire.

En vérité, pour construire la société recherchée, il conviendrait plutôt d'instituer une pédagogie coopérative, celle qui vise à faire progresser l'ensemble d'une classe tout en proposant des méthodes adaptées aux spécificités ou aux difficultés d'apprentissage de certains. Pas d'individualisme, mais de l'entraide et de l'adaptation !

Ce serait là, d'ailleurs, la véritable école inclusive – formule pléonastique, si vous me le permettez, qui rappelle combien l'école est loin d'être conforme à l'idéal des principes républicains qui la fondent et que vous entamez toujours plus. Pour que l'école soit républicaine, et donc inclusive, il faut des enseignants spécialisés, comme ils l'étaient dans feu les RASED – réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté – , hautement qualifiés et non formés trop à la va-vite. Il faut aussi des AESH bien formés, et non seulement initiés en soixante heures au sein des PIAL.

Ce n'est pas non plus l'aumône de quelques euros à des enseignants de quartiers difficiles ou des heures supplémentaires imposées qui feront la qualité de l'enseignement, mais les temps de concertation et de préparation alloués à ces personnels aujourd'hui assommés par votre bureaucratie libérale, la précarisation de leur statut et leur maigre rétribution. Bien sûr, il faudra ajouter à cet indispensable staff les assistants sociaux, médecins et infirmiers scolaires, aujourd'hui trop peu nombreux, pour aider certaines familles jetées dans la misère. On ne peut apprendre quand on a faim ou que l'on dort dehors – rappelez-vous la pyramide des besoins de Maslow.

Bien sûr, cette école ouvrant une nouvelle ère humaniste cessera de soumettre tout le monde au rituel managérial et stressant de l'évaluation. Mesurer les progressions, oui ; évaluer, non. C'est cela, la bienveillance.

Enfin, que dire de l'égalité républicaine quand ce projet de loi institue des écoles internationales d'excellence, véritables ghettos pour enfants nés du bon côté de la rive ? Il faudrait plutôt encourager la mixité sociale pour une salutaire émancipation de tous, notamment des privilégiés de naissance.

Le temps me manque, monsieur le ministre, pour exposer les absurdités de vos autres réformes au regard des idéaux de liberté et d'égalité. Je pense à la réforme du bac, à celle du lycée, nommé de façon mensongère « lycée des possibles », et à celle du lycée professionnel, que vous prétendez valoriser alors que vous rabougrissez les enseignements de culture générale. Cela dit, toutes ces réformes, y compris le dédoublement des classes de CP, ont le mérite de la cohérence. Elles concourent à un même objectif clairement défini dans le programme de réformes envoyé à la Commission européenne : investir dans les compétences pour une économie du XXIe siècle. Nous y voilà ! Quel aveuglement quand on ne sait même pas ce que seront ces compétences, sinon qu'elles nécessiteront des connaissances, ainsi qu'un esprit critique et éclairé !

Le groupe La France insoumise rejettera ce projet de loi, de même qu'il rejette les finalités que vous donnez à l'éducation et à la société à deux vitesses que votre texte prépare durablement.

Pour autant, monsieur le ministre, je ne perds jamais espoir de vous dessiller. Comme je m'y suis engagée, permettez-moi de vous remettre ces deux volumes, qui contiennent une centaine de témoignages d'enseignants du premier et du second degrés. Ils sont poignants. Puissent-ils vous aider à reprendre pied avec la réalité, et à revoir un jour peut-être votre copie.

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