Intervention de Christelle Dubos

Séance en hémicycle du mercredi 19 juin 2019 à 15h00
Indemnisation des victimes du valproate de sodium — Discussion générale

Christelle Dubos, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la santé :

Le sujet qui nous rassemble en cette fin d'après-midi est grave et complexe. Je remercie la rapporteure spéciale, Mme Véronique Louwagie, d'y avoir consacré son rapport thématique. Je remercie également tous les députés qui sont intervenus au cours de la discussion générale.

Comme vous, le Gouvernement est très sensible à cette question. Cela a été rappelé, dans des milliers de familles, un enfant est né avec une malformation, un trouble du neurodéveloppement ou du spectre autistique, du fait d'une exposition au valproate de sodium pendant la grossesse. Beaucoup de familles ne savent même pas qu'elles peuvent être indemnisées, ni que les troubles de leur enfant sont liés à la grossesse de la mère.

L'urgence est donc que tous les enfants soient repérés et pris en charge, et que toutes les familles soient indemnisées. La ministre des solidarités et de la santé a donné instruction aux services d'identifier, dans les bases de données de l'assurance maladie, toutes les femmes enceintes qui ont pris de la Dépakine pendant leur grossesse, afin qu'elles soient contactées de façon proactive et qu'elles puissent bénéficier d'une indemnisation.

Le Gouvernement a pleinement conscience de la gravité des dommages subis par les familles concernées. Celles-ci n'ont pas été suffisamment informées des risques liés à la prise de la Dépakine au cours de la grossesse.

Ce qui compte désormais, c'est que les familles soient indemnisées aussi vite que possible, et que personne ne perde sa chance de l'être. Je souhaite rappeler à cet égard que la procédure est gratuite. Elle est donc accessible à toutes les victimes. Un dépliant d'information présentant le dispositif d'indemnisation de manière simple a été élaboré par les services du ministère ; il sera envoyé aux femmes qui auront été identifiées par la Caisse nationale d'assurance maladie. Nous demanderons également aux médecins prescripteurs de délivrer une information sur le dispositif.

Je dirai à présent quelques mots à propos des dysfonctionnements que vous rapportez et qui motivent votre proposition de résolution, madame la rapporteure spéciale.

Le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine a été instauré en mai 2017, mais un délai a été nécessaire pour le mettre en oeuvre, en raison de la complexité du sujet. Je pense aux deux questions qui se sont posées : l'imputabilité des dommages à la prise du médicament et la détermination des responsabilités. Cela a justifié, à l'époque, la création de deux instances distinctes : un collège d'experts, composé majoritairement de médecins, a été chargé de répondre à la première question ; un comité d'indemnisation, composé majoritairement de spécialistes du dommage corporel, a été chargé de répondre à la seconde.

Néanmoins, et c'est le sens des interventions précédentes, ce délai de mise en oeuvre n'est pas compréhensible pour les victimes ; il devient désormais impératif d'accélérer la procédure d'indemnisation et de l'améliorer au bénéfice de celles-ci.

L'ensemble des institutions responsables du dispositif travaillent de concert afin d'identifier les voies et moyens d'en améliorer l'efficacité. Des progrès ont notamment été réalisés en ce qui concerne le délai de présentation des offres d'indemnisation par l'ONIAM, en lien avec les caisses d'assurance maladie. Par ailleurs, l'ONIAM a défini des procédures de gestion visant à traiter les demandes déposées de la manière la plus rapide et efficace possible. Depuis le 30 avril 2019, l'instruction des dossiers s'est donc accélérée. Le 11 juin 2019, le comité d'indemnisation a ainsi rendu 81 projets d'avis, dont 38 définitifs. Toutefois, cela reste insuffisant.

Comme le prévoit la loi de finances pour 2019, le Gouvernement remettra au Parlement, d'ici au 1er septembre, un rapport à ce sujet. Comme vous le proposez, ce rapport sera l'occasion d'identifier des voies d'amélioration du dispositif, afin de le rendre plus efficace et d'accélérer l'indemnisation des victimes.

Sera examinée en particulier la question de la fusion des deux instances d'expertise, que vous proposez dans cette proposition de résolution. En effet, si la création de deux instances était initialement justifiée par le souci de traiter au mieux des dossiers éminemment complexes, nous devons admettre que cette séparation est aujourd'hui facteur de complexité pour les victimes elles-mêmes. Le dispositif est difficilement compréhensible, ce qui peut expliquer en partie la longueur des délais d'indemnisation. Votre proposition consistant à fusionner les deux instances me semble donc pertinente, car elle rendrait le dispositif plus simple et plus lisible.

Dans le cadre du rapport que nous devons vous remettre, nous examinerons toute autre piste qui permettrait d'atteindre l'objectif de simplification dans l'intérêt des victimes. Nous nous assurerons que les mesures envisagées sont robustes juridiquement et préservent l'équité entre les victimes.

S'agissant de votre proposition de réévaluer la budgétisation complète du dispositif, je partage votre objectif : la réévaluation devra être faite de manière transparente et devra être engagée dès que nous disposerons de données permettant d'affiner le chiffrage. Néanmoins, je tiens à apporter plusieurs précisions.

Tout d'abord, le fait que le laboratoire Sanofi ne participe pas au dispositif d'indemnisation avait déjà été pris en compte dans le cadre des évaluations initiales, car de nombreux éléments nous laissaient supposer son refus d'indemniser les victimes. Cela ne signifie pas pour autant que les indemnisations versées en substitution du laboratoire pèseront de manière durable sur le budget de l'État. L'ONIAM demandera en effet le remboursement des sommes qu'il a versées à ce titre, au besoin devant les tribunaux.

Ensuite, la dotation annuelle est calibrée en fonction de la capacité d'examen des dossiers. Or, vous l'avez souligné, il reste un nombre significatif de dossiers à traiter. Les dépenses annuelles dépendront donc essentiellement du rythme d'examen des demandes et seront réévaluées en fonction de la montée en charge du dispositif.

De la même manière, le coût global du dispositif sera réévalué dès que nous disposerons d'éléments supplémentaires sur le nombre total de demandes et sur le montant des indemnisations versées en fonction des dommages. Il est néanmoins trop tôt pour procéder à ce réexamen au regard des fortes incertitudes qui demeurent en la matière. En effet, nous allons communiquer sur le dispositif auprès des victimes potentielles. En outre, le nombre d'avis rendus est encore trop faible pour que l'on estime de manière fiable le montant moyen d'une indemnisation en fonction des pathologies dont sont atteints les enfants concernés.

Soyez assurés que le Gouvernement a pleinement pris la mesure de la nécessité de simplifier le dispositif d'indemnisation des victimes du valproate de sodium. C'est avec un grand intérêt que nous avons pris note des pistes que vous proposez. J'émets donc un avis favorable sur cette proposition de résolution, même si j'émets une réserve sur l'opportunité de revoir dès maintenant l'estimation globale du coût du dispositif. Je souscris en revanche pleinement à vos propositions de simplification, car il est indispensable d'améliorer le fonctionnement du dispositif dans l'intérêt des victimes.

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