Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du mercredi 19 juin 2019 à 15h00
Contrôle budgétaire par le parlement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot :

Que nous demandent les Françaises et les Français ? Des comptes. C'est bien ce que faisait Jacline Mouraud en s'exclamant : « Qu'est-ce que vous faites du pognon ? » Or c'est à l'Assemblée nationale, plus généralement au Parlement, d'apporter des réponses à cette question.

De ce point de vue, la proposition de résolution de Laurent Saint-Martin va dans le bon sens. Nous la soutiendrons pleinement, parce qu'elle apporte à la question de l'évaluation des réponses à plusieurs niveaux.

Pour ce qui concerne l'administration, d'abord, la question des indicateurs de performance s'avère essentielle. Ce sont en effet eux qui vont responsabiliser et guider les gestionnaires de programme et permettre ensuite aux évaluateurs, dont le Parlement, de vérifier que les objectifs ont bien été atteints. Il est donc fondamental que les indicateurs de performance soient de qualité et l'association des parlementaires à leur définition est une très bonne chose.

Le Parlement doit, pour sa part, adopter pleinement la culture de l'évaluation, à travers la montée en puissance de celle-ci dans toutes les instances qui la pratiquent. Le Printemps de l'évaluation, nouvelle séquence inaugurée l'année dernière, est une très bonne chose car elle ouvre à l'Assemblée nationale une période de deux semaines au cours de laquelle les ministres viennent défendre l'exécution de leur budget, ce qui permet aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances de travailler tant sur les aspects budgétaires que sur l'efficacité des politiques publiques dont ils ont la charge. Dans ce domaine, les propositions formulées dans ce texte nous satisfont pleinement.

La société civile aurait pu elle aussi être associée à la proposition de résolution. Elle l'est, d'une certaine manière, dans l'exposé des motifs, par l'intermédiaire des indicateurs de performance. Il est vrai qu'un indicateur de performance devrait pouvoir être compris par n'importe lequel de nos concitoyens, afin que chacun puisse se réapproprier la gestion budgétaire et l'évaluation de son efficacité.

L'un des points que je trouve particulièrement intéressant dans ce texte, c'est la bascule d'un objectif gestionnaire vers un objectif politique. Trop souvent, les parlementaires se sont délestés de leur mission d'évaluation des politiques publiques sur la Cour des comptes, laquelle applique une grille de lecture gestionnaire. C'est son métier, et c'est absolument indispensable, mais il revient aux parlementaires d'adopter une approche plus politique, puisque certaines des politiques publiques n'entrent pas exactement dans le cadre des programmes et missions budgétaires de l'État.

Je souhaite saisir l'occasion afin de faire un peu de publicité pour le travail que j'ai réalisé avec Alexandre Holroyd dans le cadre du Printemps de l'évaluation. Nous nous sommes intéressés à la politique publique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, bon exemple de politique publique n'entrant absolument pas dans le cadre de la comptabilité publique de l'État. En effet, une reconduite à la frontière, qu'il s'agisse d'une mesure coercitive ou d'un retour aidé, mobilise à la fois des juges, administratifs et judiciaires, des policiers, des gendarmes et des fonctionnaires de l'OFII, l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cette politique étant gérée par plusieurs administrations en même temps, il est très difficile d'en reconstituer le coût. C'est pourtant l'exercice auquel nous nous sommes livrés, avec Alexandre Holroyd : nous avons dû rapprocher des données provenant de huit programmes et de cinq missions budgétaires différents, mais nous avons abouti au chiffrage de cette politique, chose qui était peu connue jusqu'alors. Il faudrait que nous puissions, aussi souvent que possible, adopter au Parlement une telle méthode d'évaluation des politiques publiques.

Je souhaite aussi saisir l'occasion pour vous exprimer mon inquiétude, madame la secrétaire d'État. Dans les articles 6 et 9 du projet de loi constitutionnel qui nous avait été soumis l'été dernier, la fonction d'évaluation du Parlement avait été préservée, voire renforcée. L'article 6, notamment, consacrait le principe du Printemps de l'évaluation, lequel, à ce jour, relève encore de l'expérimentation. Je m'inquiète de ne pas avoir retrouvé, dans la nouvelle version du projet de loi constitutionnel, le contenu de cet article 6, qui prévoyait d'inscrire dans la Constitution que, chaque année, les ministres viennent défendre l'exécution de leur budget devant la commission des finances. Je souhaite vivement qu'il y réapparaisse ; ce serait la meilleure manière de consacrer une expérimentation qui, à mon sens, est réussie.

Pour toutes ces raisons, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés apportera un soutien ferme à la proposition de résolution de Laurent Saint-Martin.

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