Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du mercredi 19 juin 2019 à 15h00
Dépenses fiscales — Discussion générale

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

Comme cela a été rappelé, les objectifs de notre politique économique sont clairs : mieux rémunérer le travail, restaurer la compétitivité de nos entreprises, les préparer aux grandes transformations de l'économie et rétablir nos finances publiques.

Ce dernier objectif est essentiel pour la crédibilité de nos réformes. Il respecte deux principes. Premièrement, le principe d'efficience, en vertu duquel toute dépense publique doit être justifiée et produire des résultats, peut paraître basique, mais il a pu être oublié – c'est d'ailleurs ce qui nous a été reproché par une partie des Français à la fin de l'année dernière – , et il s'applique également aux dépenses fiscales. Deuxièmement, le principe de responsabilité, en vertu duquel chaque décideur public, qu'il soit fonctionnaire, chargé d'une fonction exécutive ou législateur, doit se sentir responsable des hausses de dépenses fiscales qu'il décide : nous ne pouvons plus laisser perdurer des dispositifs devenus inefficaces ; chacun doit prendre sa part pour identifier ceux qu'il convient de maintenir et ceux qui ne sont plus justifiés.

Ces dernières années, la fiscalité est devenue l'outil privilégié, voire presque exclusif, pour agir sur l'ensemble des politiques publiques. Les niches se sont multipliées, vous l'avez dit : 474 dispositifs ont été recensés en 2018, pour un montant de plus de 100 milliards d'euros. Dans ce contexte, le sentiment de ras-le-bol fiscal qu'ont exprimé une partie des Français nous oblige à être d'autant plus exigeants.

Mais, vous l'avez souligné, monsieur le président de la commission, il ne faut pas pour autant diaboliser la dépense fiscale : elle n'est pas mauvaise par nature. L'évaluation est indispensable, c'est certain, mais elle ne doit pas mener à la suspicion généralisée. Certaines dépenses sont efficaces, elles tirent la croissance de certains secteurs, elles aident les ménages. D'autres, en effet, méritent d'être revues ou améliorées.

Votre proposition de résolution respecte les deux grands principes que je viens d'évoquer. C'est pourquoi nous y serons favorables.

J'aimerais maintenant répondre plus précisément à chacune des propositions qui sont faites.

Nous partageons pleinement l'objectif recherché par vos deux premières propositions.

S'agissant de la première proposition, il est en effet indispensable d'évaluer l'efficacité des dépenses fiscales non chiffrées ou vraisemblablement peu utilisées et de les supprimer si nécessaire, en s'assurant qu'elles ne cachent pas un fantôme. Ce travail a déjà commencé. En 2019, le Parlement a adopté, après l'avoir enrichi, un article de suppression et de rationalisation des dépenses fiscales inefficientes : seize dépenses fiscales ont ainsi été supprimées. Ce travail va continuer dans le PLF pour 2020. C'est un chantier important que le Gouvernement et le Parlement doivent mener main dans la main. Dans le même temps, le Gouvernement, avec l'inspection générale des finances, travaille à un programme pluriannuel d'évaluation des dépenses fiscales.

La deuxième proposition concerne le bornage dans le temps de certaines dépenses fiscales. Nous avons avancé sur ce sujet dans les dernières lois de programmation des finances publiques : plus d'un quart des dépenses fiscales sont désormais bornées dans le temps, en nombre et en montants. Nous pouvons toutefois aller plus loin. Nous sommes donc favorables à votre proposition et allons réfléchir aux moyens de la concrétiser rapidement. Nous ne pouvons plus nous permettre de reconduire les yeux fermés des dispositifs qui ne sont pas efficaces ou pas utilisés. À défaut d'une modification de la LOLF, ce principe pourrait tout à fait s'inscrire dans le cadre d'une nouvelle révision de la loi de programmation. Le Gouvernement travaille actuellement à proposer au Parlement, dans le cadre des textes financiers de fin d'année, un dispositif de gouvernance renforcée des niches, qui pourrait se traduire par une généralisation du principe de bornage et la mise en oeuvre d'un programme pluriannuel d'évaluation, comme je l'ai déjà évoqué.

Je ne peux pas laisser dire ça et là que des dépenses fiscales comme le crédit d'impôt recherche n'ont pas fait l'objet d'évaluation. Ce dispositif a été assez largement évalué non seulement par la Cour des comptes mais également par France Stratégie et le Conseil d'analyse économique – je m'arrête là.

J'aimerais appeler votre vigilance sur deux points.

Premier point, les dépenses fiscales ne devront pas être traitées de manière uniforme. Les délais d'évaluation doivent être adaptés à chaque dispositif, pour ne pas réduire leur efficacité. J'ai eu l'occasion de lire des évaluations effectuées dans la précipitation, avec des méthodes peu rigoureuses, aboutissant à des conclusions assez fragiles techniquement. Si nous prenons des décisions sur le fondement de telles évaluations, nous risquons de nous tromper lourdement.

Deuxième point, il ne faudra pas créer d'instabilité fiscale. L'instabilité est dangereuse pour la croissance et l'investissement des entreprises. Les entreprises et les investisseurs ont besoin de stabilité. Or l'instabilité législative et fiscale est un sport très français, dont nous devons collectivement – j'insiste sur ce mot – nous en défendre.

Concernant votre troisième proposition, j'émettrai des réserves. Vous suggérez d'inscrire dans la loi organique le principe d'évaluation des dépenses fiscales. Je n'ai rien contre l'esprit de cette proposition mais je précise que l'évaluation préalable est déjà une exigence de la loi organique pour toutes les mesures législatives. La demande d'un niveau d'évaluation plus approfondi pour les dépenses fiscales ne paraît pas justifiée. De plus, la LOLF mentionne déjà l'évaluation des dépenses fiscales dans le contenu des rapports annuels de performance, les RAP.

Je comprends également que vous jugez nécessaire d'associer plus étroitement les ministères « métier », tant en amont que dans la phase de pilotage et d'évaluation. Je tiens tout d'abord à vous rassurer : la prise de décision gouvernementale ne se dispense jamais du processus interministériel.

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