Intervention de élisabeth Borne

Séance en hémicycle du mercredi 5 juin 2019 à 15h00
Mobilités — Article 2 bis

élisabeth Borne, ministre chargée des transports :

Comme l'a rappelé M. Damien Pichereau, l'ambition du projet de loi est de doter chaque territoire d'une collectivité responsable ayant à la fois la volonté et la capacité d'agir. Pour ce faire, le texte encourage les 1 250 intercommunalités à fiscalité propre à exercer la compétence mobilité, compétence qui peut notamment trouver sa traduction dans de nouveaux services, en particulier dans les territoires peu denses où les transports collectifs tels qu'on les connaissait jusqu'à présent ne sont pas adaptés.

Dans le même temps, vous aurez noté que le projet de loi sanctuarise et préserve l'actuel versement transport. Il devient le versement mobilité dans sa fonction première qui est donc d'être fléché vers l'organisation de transports collectifs réguliers. Cet impôt ne doit pas être fragilisé par une baisse de son acceptabilité par les acteurs économiques. Cela conduirait à fragiliser le financement de l'ensemble des autorités organisatrices en France. Dès lors, la question se pose effectivement des ressources des communautés de communes qui souhaitent développer des bouquets de services de qualité : covoiturage, autopartage, initiatives de mobilité solidaire… Il s'agit évidemment d'une question essentielle à laquelle votre assemblée est, comme le Sénat, légitimement et particulièrement attentive.

Je veux répéter très clairement que le Gouvernement s'est engagé à donner des moyens adaptés à ces autorités organisatrices de la mobilité. Les réflexions se poursuivent actuellement pour répondre aux ambitions du projet de loi, tout en s'inscrivant dans le cadre des évolutions à venir de la fiscalité locale à la suite, notamment, de la suppression de la taxe d'habitation. Je l'ai déjà indiqué en commission : le Gouvernement s'engage à traiter cette question dans le cadre de la prochaine loi de finances.

Pour aboutir à ce que nous souhaitons, à savoir faciliter l'émergence de solutions de mobilité accessibles dans l'ensemble de nos territoires et à l'ensemble de nos concitoyens, il convient d'être à la fois simple, exigeant et raisonnable.

Il convient d'être simple pour les employeurs comme pour les collectivités en s'appuyant sur un dispositif existant, en particulier en termes de fiscalité. Il ne peut être question de créer de nouvelles taxes : ce serait renforcer une complexité contraire à la démarche de rationalisation engagée par le Gouvernement.

L'une des hypothèses de travail est de baser cette ressource complémentaire sur la cotisation foncière des entreprises, en autorisant les intercommunalités à faire évoluer en dérogeant aux règles de lien le taux sur les entreprises et sur les ménages. Cette possibilité de faire évoluer plus facilement la CFE sans toucher aux impôts des ménages pourrait être accordée sur plusieurs années, pour permettre d'accompagner la montée en compétence des communautés de communes et le déploiement progressif des services de mobilité.

Il convient par ailleurs d'être exigeant en matière d'utilisation de l'impôt. Je souhaite que les règles de transparence introduites par le projet de loi pour l'usage du versement mobilité s'appliquent, à savoir une justification des taux majorés de CFE qui seraient retenus lors des délibérations des intercommunalités à partir de projets de mobilité précis. Par ailleurs, le dialogue devra être permanent au sein des comités des partenaires associant employeurs et habitants dans chaque territoire, ainsi que les acteurs que les autorités organisatrices jugeront pertinent d'associer.

Il convient enfin d'être raisonnable dans les charges qui pèsent sur nos entreprises, notamment dans ces territoires parfois plus fragiles, tout en assurant une équité de traitement entre les communautés de communes et les grandes aires urbaines. Dans cette perspective, le cadre de la CFE, qui intègre déjà de nombreux dégrèvements et exonérations au niveau national et local, permet de ne pas fragiliser les petites entreprises. D'autre part, toute déliaison à la hausse du taux de CFE ne pourrait se faire qu'avec un taux maximal d'évolution. Enfin, une clause de revoyure à deux ou trois ans pour évaluer l'efficacité de la mesure en termes de développement des mobilités et son impact économique serait sûrement nécessaire.

Enfin, pour les territoires qui ne disposent que de faibles bases fiscales, deux options sont envisageables. D'une part, le projet de loi prévoit que les régions seront compétentes par défaut sur le territoire de toutes les communautés de communes qui n'auront pas délibéré pour prendre tout ou partie de la compétence mobilité. C'est une responsabilité importante pour les régions, mais mes nombreux échanges avec les présidents de région et avec Régions de France m'ont convaincue qu'elles seront au rendez-vous. Elles n'ont d'ailleurs pas attendu la loi pour lancer çà et là des dispositifs innovants, et si des solutions de mobilité doivent être pilotées au niveau local en proximité, notamment dans les territoires peu denses, ces territoires pourront demander une délégation à la région pour animer ces services.

Je comprends aussi l'attente de certaines communautés de communes, qui souhaitent disposer d'une marge de manoeuvre budgétaire pour construire en propre des solutions de mobilité adaptées. Je sais aussi que près d'un tiers des salariés qui travaillent dans les métropoles habitent hors du territoire métropolitain, souvent dans des communautés de communes démunies de ressources fiscales. Une responsabilisation plus forte entre les métropoles, les régions et ces territoires quant à la prise en compte des mobilités me semble incontournable. Je sais que la mission ruralité mandatée par ma collègue Jacqueline Gourault travaille sur ces questions, et je ne doute pas que son rapport, qui doit être remis au Gouvernement à l'été, a vocation à faire des propositions face à ces situations, que nous pourrons également prendre en compte dans le cadre de la prochaine loi de finances.

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