Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 9h30
Accord france-autorité européenne des marchés financiers relatif à son siège et à ses privilèges — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui est un simple accord de siège entre la France et l'Autorité européenne des marchés financiers. L'AEMF est l'une des autorités européennes chargée de détecter les risques pesant sur la stabilité financière et, en particulier, sur les marchés financiers. Elle repose sur le réseau décentralisé des autorités nationales. Son rôle est d'harmoniser les règles européennes relatives aux marchés financiers, le rôle de surveillance étant réservé aux autorités nationales, comme l'Autorité des marchés financiers que nous connaissons bien.

Je ne reviendrai pas sur le contenu de cet accord : il s'agit d'un accord de siège classique, qui reconnaît à l'AEMF une capacité juridique équivalente à celle des personnes morales de droit français. Le texte prévoit également des privilèges et immunités pour les agents, qui peuvent paraître étonnants, à première vue, mais qui sont également classiques pour ce type d'autorité relevant de l'Union européenne – ils concernent notamment les entrées sur le territoire français, l'immunité de juridiction ou l'exonération d'impôt national sur le revenu. Mis à part ce dernier point, la France ne participe pas directement au financement de l'AEMF.

La signature de cet accord s'inscrit également dans le cadre de la mise en oeuvre de la déclaration commune du Parlement européen, du Conseil de l'Union européenne et de la Commission européenne du 12 juin 2012 sur les agences décentralisées, qui recommande la conclusion d'accords de siège entre les agences décentralisées de l'Union et les États membres qui les accueillent.

Mes chers collègues, nous savons que notre rôle de parlementaires nationaux est relativement limité s'agissant du contenu de ces accords, que nous ne pouvons pas amender. Nous pouvons les ratifier ou refuser de le faire. Cet accord, comme les autres de cette journée, ne pose pas de difficultés.

Je veux néanmoins profiter de cette discussion pour revenir sur deux points. Tout d'abord, il me semble que l'accord doit nous interroger sur les délais de ratification de façon générale. L'AEMF a été créée, à la suite de la crise de 2008, par un règlement du 24 novembre 2010, lequel précise que le protocole n° 7, relatif aux immunités et privilèges, s'applique à l'AEMF. Ce texte est annexé aux traités sur l'Union européenne et sur son fonctionnement.

L'AEMF est ainsi entrée en activité le 1er janvier 2011. Comme le souligne le rapporteur dans son rapport, « l'absence d'accord de siège depuis le 1er janvier 2011 [… ] n'a pas créé de difficulté de fonctionnement ». Cet accord a finalement été validé par le conseil d'administration de l'AEMF en janvier 2016. Il a alors fallu attendre sept mois encore avant qu'il ne soit signé, le 23 août 2016. Et son examen parlementaire a eu lieu en octobre 2018 au Sénat, puis aujourd'hui dans notre assemblée. Autrement dit, entre l'installation de l'AEMF à Paris et la ratification, il se sera écoulé huit ans ! Cela doit nous interroger collectivement sur nos procédures.

Par ailleurs, il faut que cet accord ne soit que le premier d'une série d'autres à venir, du fait de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. La localisation de l'AEMF à Paris avait été prévue avant le Brexit, mais elle peut et doit ouvrir la voie à l'installation, d'abord d'entreprises et de banques qui quitteraient la City pour venir en France, mais aussi d'agences et d'autorités européennes à Paris ainsi que, il importe de le souligner, en province. La France, ce n'est pas seulement Paris !

Je rappelle que la France accueille l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer, installée à Lille et Valenciennes, ainsi que l'Office communautaire des variétés végétales, dont le siège est à Angers. Ces deux organismes pourraient, du moins l'espérons-nous, être rejoints par d'autres. Malheureusement, l'Agence européenne des médicaments, elle, s'installera à Amsterdam. En revanche, l'Autorité bancaire européenne pourrait s'installer en France. Qu'en est-il, à ce sujet, de l'aboutissement des négociations ?

En réduisant les délais de négociation et de ratification, nous devons être plus attractifs et faire du Brexit – qui est certes un déchirement pour l'Union européenne – une opportunité pour notre économie, nos entreprises et nos emplois, auxquels l'incertitude actuelle est très préjudiciable. Sachons donc faire du Brexit une chance pour notre pays et pour le reste de l'Europe.

Ces autorités supranationales ne sont pas évoquées dans la campagne des élections européennes, mais elles ont leur importance – ce qui ne veut pas dire qu'il faut les multiplier. Évoquer et développer ces autorités communes aux Vingt-Sept ne doit pas nous exonérer d'une réflexion propre sur la zone euro, dans l'optique de renforcer sa convergence fiscale. C'est le sens des propositions que j'ai formulées avec Sylvain Waserman dans le rapport d'information sur l'avenir de la zone euro, présenté à la fin de l'année dernière. Nous y préconisons notamment d'accélérer, à travers un nouveau modèle, la convergence au sein de la zone euro, par cercles restreints, afin d'obtenir des progrès plus rapides, en s'appuyant en particulier sur l'axe franco-allemand. À cette proposition, j'ajoute la nécessaire harmonisation des règles, notamment en matière de droit des affaires, en vue d'élaborer un code, et l'achèvement de la consolidation du système bancaire européen.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous sommes favorables à cet accord relatif à l'Autorité européenne des marchés financiers. Il doit augurer de discussions futures sur des problématiques plus larges, tant sur l'avenir de l'Union européenne à la suite du Brexit que sur nos procédures et sur les choix européens dans le domaine financier.

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