Intervention de Denis Masséglia

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 9h30
Accord france-autorité européenne des marchés financiers relatif à son siège et à ses privilèges — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Masséglia, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Autorité européenne des marchés financiers relatif au siège de l'Autorité et à ses privilèges et immunités sur le territoire français. Il s'agit d'un accord de siège classique, visant à assurer le bon fonctionnement de cet organisme. Ses dispositions sont à la fois analogues à celles des autres accords de siège, et conformes au droit de l'Union européenne. Elles n'entraînent aucune conséquence juridique en droit interne, l'installation, à Paris, de l'AEMF, organisme entièrement financé par l'Union européenne, n'entraînant aucun coût pour l'État.

Il ne s'agit donc que d'un accord de siège analogue à ceux qui régissent le fonctionnement d'autres organisations internationales ayant leur siège dans notre capitale. Ce texte ne modifie pas le rôle que joue la finance dans notre économie, ni même les règles de fonctionnement des marchés financiers. Il ne modifie qu'à la marge le fonctionnement quotidien de l'Autorité des marchés financiers, puisqu'il se substituera, une fois ratifié, au protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne annexé au traité de l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui s'applique depuis l'installation de l'institution à Paris, en janvier 2011, et qui diffère peu du texte que nous examinons.

Il convient cependant de rappeler le contexte. À la suite de la crise financière de 2008, la Commission européenne a jugé utile de mettre en place une architecture de supervision des marchés financiers européens à même de prévenir les risques systémiques qui les menacent. Elle a donc créé le Système européen de surveillance financière, qu'elle a chargé de contribuer à l'élaboration de règles plus unifiées et cohérentes afin de prévenir toute accumulation de risques susceptible de menacer la stabilité du système financier global. Ce Système européen de surveillance financière est composé du Conseil européen du risque systémique, placé sous la responsabilité de la Banque centrale européenne, de l'Autorité bancaire européenne, située à Londres, de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, située à Francfort, et de l'Autorité européenne des marchés financiers, située à Paris.

L'Autorité européenne des marchés financiers est chargée de protéger les investisseurs, de promouvoir l'intégrité et la transparence des marchés et de renforcer le système financier en évaluant les risques, en informant les investisseurs, en édictant des normes techniques et en conseillant les institutions européennes dans l'établissement d'un cadre réglementaire uniforme pour les marchés de l'Union. L'AEMF joue donc principalement un rôle d'harmonisation des règles communautaires relatives aux marchés financiers plutôt qu'un véritable rôle de surveillance, laquelle demeure exercée par les États membres.

L'AEMF emploie 229 agents permanents, dont 66 agents contractuels, 147 agents temporaires et 16 experts nationaux détachés. Une soixantaine de Français y travaillent.

Elle est gouvernée par deux organismes : d'une part, un conseil des superviseurs composé des dirigeants des vingt-huit autorités nationales de régulation de l'Union et de l'Espace économique européen, du directeur général de la stabilité financière, des services financiers et de l'Union des marchés des capitaux, ainsi que des dirigeants de l'Autorité bancaire européenne, de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, et d'un représentant du Comité européen du risque systémique ; d'autre part, un conseil d'administration composé de six membres choisis parmi ceux du conseil de surveillance, au sein duquel siège l'Autorité des marchés financiers, l'AMF.

Son budget pour 2017 s'élève à 42 millions d'euros, les principales contributions provenant des autorités nationales de régulation et de l'Union européenne. La France ne s'est pas engagée à une participation directe au financement de l'Autorité européenne des marchés financiers. Elle n'a pas non plus pris d'engagement quant aux coûts liés à l'installation du siège de l'agence à Paris.

Les dispositions de l'accord sont, à quelques détails près, déjà en vigueur. En effet, en l'absence d'accord de siège et depuis l'installation de l'AEMF à Paris en 2011, c'est le protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne annexé au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui s'applique. L'absence d'accord n'a donc, jusqu'à présent, créé aucune difficulté, mais le règlement européen du 24 novembre 2010 portant création de l'AEMF prévoyait, à l'article 74, qu'un accord de siège devait être conclu et approuvé par l'État hôte et le conseil d'administration de l'AEMF.

Cet accord de siège permet donc de préciser certains points. Il précise ainsi que les privilèges et immunités mentionnés à l'article 11 du protocole sont accordés aux membres du conseil d'administration et du conseil des autorités de surveillance de l'AEMF, ainsi qu'à leurs conseillers et experts techniques. Il précise également le régime des privilèges et immunités accordés aux experts nationaux détachés de l'Autorité et engage le Gouvernement français à favoriser le détachement d'experts nationaux français auprès d'elle. En dehors de ces quelques points, dont la négociation a cependant pris cinq ans, l'accord de siège n'entraîne aucune conséquence matérielle.

Cet accord est cependant utile, car il va contribuer au renforcement de la place financière de Paris, que le Brexit, s'il a lieu comme prévu, va également favoriser.

En sortant de l'Union européenne, le Royaume-Uni pourrait perdre le « passeport financier », c'est-à-dire, pour de nombreuses entreprises de la City de Londres, l'accès au marché européen pour la vente de leurs produits et services. Pour continuer à exporter, ces entreprises devront délocaliser des services vers l'Union européenne. Selon la Banque d'Angleterre, 10 000 emplois seront directement concernés. Plusieurs entreprises dont JPMorgan, Goldman Sachs, Citigroup et Blackrock ont annoncé qu'elles avaient choisi la place financière de Paris pour se développer après le Brexit. L'organisme Paris Europlace, association qui regroupe l'écosystème économique et financier de Paris, estime que 3 500 emplois directs devraient être créés à Paris, pour un total de 20 000 postes en comptant les emplois induits.

Une autre conséquence du Brexit est la décision prise le 20 novembre 2017 de réinstaller à Paris le siège de l'Autorité bancaire européenne – ABE – , actuellement situé à Londres. C'est un immeuble du quartier de La Défense, la tour Europlaza, qui a été choisi pour accueillir les 200 personnes travaillant pour cette institution. Au-delà de ces emplois directs, l'installation à Paris de l'ABE, dans l'hypothèse où le Royaume-Uni quitterait effectivement l'Union européenne, devrait offrir aux entreprises du secteur de la finance une raison supplémentaire de s'installer à Paris.

La ratification de l'accord que nous examinons n'aura pas de conséquence directe au regard de ces enjeux. Cependant, au regard du souhait de la France de faire de Paris une place financière européenne alternative à celle de Londres, ce serait un mauvais signal d'attendre plus longtemps avant de ratifier cet accord. Prévu par un règlement européen adopté en 2010, il a été validé par le conseil d'administration de l'AEMF en janvier 2016, soit cinq ans après l'installation de l'Autorité à Paris. Il a encore fallu sept mois avant qu'il soit signé, le 23 août 2016, puis deux ans et demi pour que le calendrier parlementaire permette l'examen auquel nous nous livrons aujourd'hui. Au total, il aura donc fallu huit ans, à partir de l'installation de l'AEMF à Paris, pour que nous puissions enfin autoriser la ratification d'un accord certes nécessaire, mais d'une portée très limitée et qui s'apparente à une formalité. Pendant cette période, le Royaume-Uni a eu le temps de voter sa propre sortie de l'Union européenne et de conférer à ce texte un enjeu qu'il ne comportait pas à l'origine. Il est donc temps de mettre fin à cette attente et d'autoriser la ratification de cet accord de siège, qui s'inscrit maintenant dans la perspective plus large d'une montée en puissance de la place financière de Paris.

1 commentaire :

Le 03/06/2019 à 21:48, Anonyme a dit :

Refuser les traités de libre-échange

Refuser les traités de libre-échange (TAFTA, CETA, Australie, Nouvelle-Zélande, etc.). Développer les circuits courts de la production à la consommation, en réorganisant les filières.

Voilà un bon début pour moi...

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